Organisé le 10 avril par le ministère des Affaires étrangères et accueilli par la mairie Montreuil, le séminaire « La diaspora malienne pour la paix et le développement du Mali » est la première rencontre internationale de la diaspora malienne depuis la crise au Mali.
Ouvert par Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement, aux côtés de Demba Traoré, ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine et de Dominique Voynet, maire de Montreuil, ce séminaire a permis de réunir les membres de la diaspora malienne établis en France et en Europe pour échanger sur les besoins actuels du pays et sur le rôle que peut jouer la diaspora dans la reconstruction et le développement du Mali.
Joël Labbé a été associé à cet évènement, en tant que président délégué du groupe France-Afrique de l’Ouest (pour le Mali), aux côtés de Razzy Hammady, député de Seine-Saint-Denis, président du groupe d’amitié France-Mali à l’Assemblée nationale, et Jacques Legendre, sénateur du Nord, président du groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest.
Intervention de Joël Labbé
« Messieurs les ministres, Monsieur Demba Traoré, Monsieur Pascal Canfin
Madame Dominique Voynet, Maire de Montreuil
Chers collègues, Mesdames, Messieurs,
Des évènements, des échanges et des lectures ont marqué mon engagement pour préserver notre planète, ses ressources ; pour refonder nos relations avec les pays du Sud sur le respect et l’échange. René Dumont fait partie de ses rencontres. Il écrivait il y a plus de cinquante ans déjà, « l’Afrique noire est mal partie ». La réalité actuelle ne lui donne malheureusement pas complètement tort. Néanmoins ces pays, dont le Mali, ont d’immenses potentialités de développement. Et c’est sur ces bases qu’il faut travailler avec les maliens et notamment la diaspora qui vit en France et qui représente 100 000 personnes (200 000 en Europe et 4 millions de personnes dans le monde).
Il ne faut certes pas méconnaître l’importance des aides bilatérale et multilatérale et l’apport essentiel des collectivités territoriales dans les projets de développement qui se réalisent au Mali, mais la mobilisation de la diaspora est également fondamentale.
C’est bien pour cette raison que la France place la mobilisation de la diaspora comme une des conditions de la reprise des aides publiques au développement qui ont été dernièrement actées grâce au travail de Monsieur le ministre (un portefeuille de projets de près de 150 millions d’euros).
Et ça n’est pas un hasard. En France, la diaspora s’est rapidement organisée afin de maintenir un lien fort entre les migrants et leurs villages d’origines. Pour preuve, en 2011, les transferts de fonds des maliens de l’extérieur étaient estimés à 470 M€, soit plus de 10% du PIB malien. Le positionnement double de la diaspora, à la fois dans le pays d’accueil et dans le pays d’origine, lui permet d’agir directement ou en partenariat avec d’autres acteurs pour le développement du Mali.
Nous avons à valoriser tout à la fois le positionnement, le capital et l’expérience de la diaspora.
Pour autant, si l’implication de la diaspora dans le développement du Mali est réelle et bien organisée, il faut aider au renforcement de son rôle dans l’émergence de projets économiques de plus grande envergure, ainsi que de son rôle dans la politique intérieure, la gouvernance du pays afin de lui permettre de dépasser son rôle de co-financeur et de maître d’œuvre de projets locaux. Il s’agit que la diaspora investissent dans des projets plus globaux et s’investissent pour des politiques publiques structurantes pour le Mali dans différents domaines.
Et notamment celui de l’agriculture. C’est une question centrale pour le développement. D’abord parce que la pauvreté rurale et la faim restent des réalités au Mali.
Ensuite parce qu’il faut répondre à des besoins en produits agricoles en constante augmentation partout dans le monde.
Et enfin parce qu’il faut avoir conscience que les modèles agricoles que l’on met en place là-bas ont aussi des impacts ici. En outre, les usages non alimentaires des produits et des terres agricoles progressent inexorablement pour les agrocarburants, les cosmétiques ou encore le textile.
Ces nouvelles demandes poussent à la création de grandes exploitations capitalistiques, condamnant à la pauvreté des millions de paysans sans terre. Actuellement, des villages entiers sont rachetés par des entreprises et des violences sont commises contre les paysans qui refusent d’abandonner leurs terres.
Le Roppa, réseau des organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest est une association qui tire depuis plusieurs années déjà la sonnette d’alarme. En 2012 l’association a d’ailleurs déposé une plainte auprès des autorités maliennes ainsi qu’auprès de la cour de justice de la Cedeao, contre l’accaparement des terres d’un village entier nommé Samandougou. Le gouvernement y a répondu par la négative en justifiant que la terre appartenait à l’Etat malien et qu’il pouvait donc en disposer.
L’accaparement des terres agricoles est véritablement une pratique inique contre laquelle il faut lutter. Il faut que la diaspora prenne toute sa place sur cet enjeu capital pour le développement d’une agriculture durable au Mali qui puisse être au bénéfice des populations.
Dans ce contexte, la priorité est à la sécurisation de l’agriculture familiale basée sur des pratiques agroécologiques. Pas par idéologie, mais parce que c’est ce modèle qui est socialement, économiquement et écologiquement plus efficace. Selon Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies, l’agroécologie permettrait de doubler la production alimentaire de régions entières, en réduisant la pauvreté rurale et en apportant des solutions au changement climatique.
Et de fait, on voit bien les conséquences dramatiques de la poussée des grandes plantations de palmiers à huile par exemple. Ces productions détruisent la forêt sans produire autant d’emploi que les modèles familiaux de production de ces mêmes produits. Par contre, les conséquences sociales sont graves.
Ce type de pratiques constitue véritablement un défi.
Elles posent concrètement la question des limites de nos modes de production et de consommation au regard de ses impacts sur la planète. Elles réclament aussi l’implication de tous pour amorcer le changement. Comme je l’évoquais tout à l’heure, le Mali est une terre de tous les possibles, il appartient aux maliens de l’extérieur et ceux du pays de s’approprier ce défi et d’y répondre avec des solutions adaptées. »