PROPOSITION DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 34-1 DE LA CONSTITUTION,
visant à la promotion de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 15 juillet 2015
Présentée par, Mme Esther BENBASSA, M. Ronan DANTEC, Mmes Leila AÏCHI, Aline ARCHIMBAUD, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Jean DESESSARD, André GATTOLIN, Joël LABBÉ et Jean-Vincent PLACÉ, Sénateurs.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
C’est en 1985 que l’expression « réfugiés environnementaux » fait officiellement son apparition dans un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Les réfugiés de l’environnement y sont définis comme « ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie ».
Si depuis les années 80, de nombreuses appellations ont été utilisées (réfugiés écologiques, réfugiés environnementaux, réfugiés climatiques, éco-réfugiés, climate evacue, migrants de l’environnement…), les prévisions du nombre à venir de ceux que nous avons choisi de qualifier de « déplacés environnementaux » sont de plus en plus alarmantes.
L’organisation Internal Displacement Monitoring Center (IDMC) donne le chiffre de 22,4 millions de personnes déplacées en 2013 à la suite d’une catastrophe naturelle, chiffre qui pourrait atteindre 200 millions de déplacés environnementaux en 2050.
Il est important de noter ici que la majorité des déplacements consiste aujourd’hui à fuir dans une région voisine du même État. Il s’agit donc de déplacés environnementaux internes.
Dans ce contexte, c’est l’Union Africaine qui est allée le plus loin en adoptant, en 2009, l’article 5 paragraphe 4 de la Convention africaine de Kampala, qui dispose que : « les Etats parties prennent les mesures nécessaires pour assurer protection et assistance aux personnes victimes de déplacement interne en raison de catastrophes naturelles ou humaines y compris du changement climatique. »
Toutefois, si la protection de ses ressortissants relève avant tout des États, les conséquences variables des changements climatiques imposent à l’ensemble de la communauté internationale de se saisir de la question des déplacés environnementaux.
Le Groupe Intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’Evolution du Climat (GIEC) a publié fin mars 2014 le deuxième volet de son cinquième rapport intitulé « Changements climatiques 2014 : conséquences, adaptation et vulnérabilité ». Ce rapport, qui présente en détail les incidences des changements climatiques à ce jour et les risques à venir dus à l’évolution du climat, donne un éclairage criant de la situation.
Il est ainsi établi que « les changements climatiques au cours du 21ème siècle risquent d’accroitre les déplacements forcés de populations, notamment celles qui seront les plus exposées aux évènements météorologiques extrêmes, dans les pays à faible revenu. Les changements climatiques peuvent donc contribuer à exacerber indirectement (en affectant l’accès aux ressources en eaux, aux cultures, etc.) les risques de conflits violents, notamment les guerres civiles, et les violences intergroupes. »
Les changements climatiques auront également un impact sur l’intégrité territoriale de nombreux États. Cela aura alors une influence directe sur les politiques nationales de sécurité des pays concernés, mais aussi des pays voisins. On sait par exemple que les petits États insulaires ainsi que les États avec un trait de côte étendu seront particulièrement sujets à une dégradation de leur intégrité territoriale.
Enfin, la fonte de certaines glaces, notamment en Arctique, en contribuant à l’élévation du niveau des mers, menace de submersion, voire de disparition, certains territoires.
Face à cet alarmant constat, une réflexion a été engagée dans de nombreux pays. Ainsi, la Norvège et la Suisse lançaient, en 2012, l’initiative Nansen, processus consultatif dirigé par les États et extérieur à l’ONU, visant à atteindre un consensus entre les États intéressés concernant la meilleure manière de traiter les déplacements transfrontaliers dans le contexte des catastrophes naturelles, qu’elles soient liées au climat ou à la géophysique.
En février 2014, la France rejoignait le groupe des amis de l’initiative Nansen, formé des États souhaitant être tenus informés de ses activités et contribuer à la réflexion.
L’initiative Nansen a choisi une approche régionale (« bottom-up approach ») soutenue par la France et a mené d’importantes consultations notamment dans le Pacifique, en Amérique Centrale et en Asie du Sud-Est. Le résultat de ces consultations sera consolidé et discuté lors d’une consultation intergouvernementale globale qui se tiendra à Genève en octobre 2015.
À la fin de l’année 2015, la France va accueillir et présider la vingt et unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11). Il s’agit d’une échéance cruciale, puisqu’elle doit aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 1,5 ou 2°C.
À cette occasion, la France va jouer un rôle de premier ordre sur le plan international pour rapprocher les points de vue et faciliter la recherche d’un consensus des Nations Unies, ainsi qu’au sein de l’Union européenne, qui occupe une place importante dans les négociations sur le climat.
Les auteurs de la présente proposition de résolution considèrent que la COP21 doit également être l’occasion pour la France d’être à l’initiative d’une véritable prise de conscience internationale des enjeux liés aux migrations environnementales.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Considérant que les effets des dérèglements climatiques en particulier la montée du niveau des mers, le phénomène de désertification, les inondations ou les canicules affectent les conditions de vie des populations en ce qu’ils peuvent générer dégradations, disparitions de territoire, pression accrue sur les ressources naturelles, atteintes aux droits fondamentaux et de ce fait parfois, accentuer certaines tensions ou provoquer des conflits ;
Considérant que les impacts du changement climatique sur les sociétés humaines se font déjà sentir dans de nombreux endroits comme le Sahel, fortement touché par le phénomène de désertification, le Bangladesh, sujet à des inondations répétées, certaines régions européennes mais aussi dans plusieurs îles du Pacifique, de l’océan Indien, etc., vouées à disparaître sous les eaux, entraînant la disparition future d’États-Nations ;
Considérant que les populations les plus vulnérables sont les plus affectées par les effets des bouleversements climatiques et qu’elles sont moins armées pour y faire face ;
Considérant les enjeux humains des dérèglements climatiques, la responsabilité de la communauté internationale, et la nécessité de mettre en oeuvre rapidement des mesures de prévention et de protection des personnes affectées par les conséquences des dérèglements climatiques ;
Considérant les accords de Cancun de 2010 qui invitent notamment à l’« adoption de mesures propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques, selon les besoins, aux niveaux national, régional et international » ;
Considérant que la France va, à la fin de l’année 2015, accueillir et présider la vingt et unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11) et jouer ainsi un rôle de premier ordre sur le plan international pour rapprocher les points de vue et faciliter la recherche d’un consensus des Nations Unies, ainsi qu’au sein de l’Union européenne, qui occupe une place importante dans les négociations sur le climat.
Invite la France à promouvoir, dans le cadre de la COP21 ainsi qu’au sein des institutions européennes et internationales, la mise en oeuvre de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux présents ou à venir, qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune reconnaissance.
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