Madame la présidente, Monsieur le ministre,
Messieurs les auteurs des propositions de résolution européenne,
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues,
Permettez-moi de saluer la présence dans nos tribunes d’une délégation de ma commune, Saint-Nolff, venue du Morbihan pour recevoir ce soir le prix de la capitale française de la biodiversité pour 2012 ; je salue en particulier Sarah et Benoît, qui représentent notre conseil municipal des enfants.
Nous débattons donc cet après-midi des régions ultrapériphériques, les RUP… Je trouve que les technocrates de Bruxelles devraient mettre un petit peu plus de poésie dans leurs expressions, qui blessent parfois notre langue !
Le Parlement européen est en pleine phase législative pour lancer une nouvelle stratégie en faveur du développement des régions ultrapériphériques.
Cette stratégie vise à prendre en compte le changement climatique, à favoriser le développement local, à défendre une agriculture locale durable, à préserver la qualité des produits, à prendre en compte l’incidence des accords commerciaux de l’Union européenne, à promouvoir la participation des élus locaux au processus décisionnel et à prendre en compte les difficultés sociales croissantes des populations ultrapériphériques, notamment celles des jeunes.
Vous le voyez, les enjeux sont nombreux, et les défis, aussi.
Le rapport d’initiative adopté par le Parlement européen le 18 avril 2012 sur le rôle de la politique de cohésion dans les régions ultrapériphériques de l’Union européenne dans le contexte de la stratégie« Europe 2020 » et le document publié le 20 juin dernier par la Commission européenne présentent déjà les axes de la stratégie de l’Union européenne pour les régions ultrapériphériques.
Les députés européens Verts ont d’ores et déjà envoyé à la Commission européenne un message clair sur l’outre-mer.
Dans sa proposition de règlement FEDER pour les années 2014 à 2020, soit la future période de programmation, la Commission européenne propose des coupes budgétaires significatives dans l’enveloppe additionnelle dédiée aux régions ultrapériphériques : cette enveloppe baisserait de 46 %, ce qui reviendrait à ramener le montant de l’aide de 35 à 20 euros par habitant !
Cette proposition est inacceptable, et nos députés européens ont demandé le maintien du budget.
En outre, ils ont demandé que l’on mesure les effets des accords internationaux en matière de commerce et de pêche sur ces territoires et sur la production locale.
Nous sommes cependant forcés de constater que nos propositions en matière d’environnement sont accueillies avec frilosité. Il serait pourtant nécessaire d’inclure un critère lié au changement climatique pour chaque projet financé par la politique de cohésion.
Les régions ultrapériphériques doivent faire face à des crises combinées terribles : une crise sociale, une crise économique, mais aussi une crise environnementale.
Pour relever les défis nombreux dont j’ai parlé, les régions ultrapériphériques ont besoin d’un soutien fort et durable de l’Union européenne, un soutien qui doit accompagner un développement exemplairement soutenable.
Chers collègues des outre-mer, parmi les défis que vos territoires vont devoir relever, trois me semblent primordiaux : les transports, l’agriculture et la lutte contre l’utilisation excessive des pesticides ainsi que le maintien et le développement d’une pêche artisanale, durable et innovante.
Je reprends tour à tour ces trois défis.
Les déplacements dans les régions ultrapériphériques sont principalement caractérisés par la trop grande importance accordée à la voiture au détriment des transports collectifs, dont il est clair que les réseaux sont tout à fait insuffisants.
Compte tenu de l’augmentation du prix du carburant, ce problème a une incidence directe sur le budget des ménages et, de ce fait, sur la qualité de vie des habitants.
Dans ce contexte, les aides européennes doivent contribuer à la mise en place d’un réseau fiable de transports interurbains.
S’agissant de l’agriculture et des pollutions liées à l’utilisation des pesticides, on ressent les conséquences néfastes sur la santé et sur l’environnement du chlordécone, utilisé dans les bananeraies et heureusement interdit aux Antilles aujourd’hui, mais aussi celles d’autres produits phytosanitaires.
Mes chers collègues, vous vous en souvenez sans doute, j’étais intervenu avec force pour réclamer la fin des épandages aériens, parce que des méthodes alternatives existent.
Dans ce domaine aussi, l’Union européenne a un rôle capital à jouer. Les régions ultrapériphériques, eu égard à la qualité de leur patrimoine naturel, de leurs sols et de leurs forêts, ainsi qu’à la richesse de leur biodiversité, peuvent permettre le développement d’une agriculture innovante fondée sur l’agro-écologie.
Enfin, chers collègues ultramarins, comment pourrions-nous traiter de la stratégie de l’Union européenne pour les régions ultrapériphériques sans parler de la pêche, qui constitue un enjeu économique et social vital pour vos territoires ?
Je vous rappelle que les outre-mer représentent 96 % du domaine océanique français, le deuxième plus important au monde, et qu’ils comptent plus de 2 500 navires de pêche quand la métropole en compte moins de 5 000. Les territoires ultramarins abritent 35 % de la flotte artisanale française et plus de 20 % des effectifs de marins pêcheurs.
Nous le réaffirmons, seules les pratiques durables sont capables de protéger les ressources halieutiques, et ce sont donc elles que l’Union européenne doit soutenir en priorité.
En effet, on ne peut pas dissocier les questions écologiques, économiques et sociales : sans gestion durable des ressources halieutiques, il n’y aura pas de garantie économique à long terme, ni de garantie sociale du point de vue de l’emploi.
C’est d’autant plus vrai que les territoires ultramarins sont particulièrement fragiles : pour l’essentiel insulaires, ils sont davantage exposés aux effets du changement climatique, aux risques naturels et aux conséquences des activités humaines.
Si donc nous rejoignons nos collègues ultramarins pour constater les spécificités et les contraintes particulières de leurs territoires, si nous partageons un certain nombre de leurs critiques contre des politiques européennes souvent mal adaptées aux spécificités locales, nous déplorons aussi que les défis écologiques auxquels ces territoires doivent dès à présent faire face ne soient pas suffisamment pris en considération.
Seule une vision de long terme permettra d’apporter une réponse globale à la hauteur des défis des outre-mer.
Chers collègues ultramarins, nous avons à cœur la vitalité de vos territoires ; elle doit résulter de stratégies de développement local innovantes et endogènes, qui reposent sur une agriculture et une pêche durables et sur le développement d’industries nouvelles.
Ce que certains qualifient de retard de développement est aussi une chance aujourd’hui : c’est l’occasion d’engager les bonnes réformes et de faire des choix de développement innovants, soutenables et, comme il a été dit tout à l’heure, intelligents.
La recherche de la compétitivité et de la croissance sans prise en compte des défis environnementaux ne peut être qu’incantatoire.
Quant aux solutions à apporter à vos territoires, chers collègues, elles ne résident pas dans l’obtention de dérogations toujours plus importantes aux normes européennes. Des dérogations, toujours plus de dérogations et seulement des dérogations ? Non, chers collègues, s’il faut prendre en compte les spécificités, il faut aussi considérer l’unicité !
Si nous ne partageons donc pas toujours avec certains de nos collègues la vision du développement que nous souhaitons pour ces territoires, nous comprenons cet appel à une mise en cohérence des politiques européennes afin que les régions ultrapériphériques n’en constituent plus la variable d’ajustement. Par conséquent, chers collègues ultramarins, nous voterons avec force sinon vos deux révolutions – le lapsus serait facile (Sourires.) – du moins vos deux résolutions ! (Applaudissements.)
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