Proposition de résolution en application de l’article 73 quinquies du règlement, sur l’inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques

Mardi 22 novembre 2016, les sénateurs ont adopté une proposition de résolution, en application de l’article 73 quinquies du Règlement, sur l’inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques. Les écologistes se sont abstenus.

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Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord vous dire mon plaisir de participer à ce débat en tant que représentant du groupe écologiste, mais aussi en tant que Breton. Nous sommes au moins deux dans cet hémicycle !

Joël Guerriau. Trois !

Joël Labbé. Vous êtes, vous, mon cher collègue, à la périphérie de la Bretagne… (Sourires.)

Cela étant, je ne sais qui a trouvé cette dénomination « région ultrapériphérique », « RUP »… Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous avez parlé à plusieurs reprises de « l’outre-mer » ; cette expression est bien plus jolie ! Réfléchissons-y ensemble, car comment qualifiera-t-on demain les populations de ces territoires ? Nous devons y prendre garde.

Quoi qu’il en soit, nous examinons une fois de plus un texte visant à alléger les normes agricoles.

Qu’il faille par certains aspects aménager les normes européennes aux spécificités tropicales des régions éloignées, cela semble être de bon sens.

On peut même voir une ouverture intéressante dans le fait d’utiliser des semences non inscrites au catalogue officiel, ce qui permettrait de mettre en culture des semences plus adaptées aux terroirs et aux climats spécifiques de ces régions, ainsi que des semences anciennes dont, malheureusement, le patrimoine est trop peu exploité.

Vous avez évoqué la recherche, madame la ministre ; dans ce domaine, il y a des travaux de recherche fondamentale à mener !

Toutefois, il ne faudrait pas que cela rende possible la mise en culture de variétés issues des nouvelles techniques d’édition du génome, en dehors de tout contrôle, les risques étant encore mal évalués et la dangerosité de ces produits étant équivalente, voire supérieure, à celle des OGM.

Concernant l’allégement du cahier des charges de l’agriculture bio, nous ne pouvons pas cautionner certains éléments de ce texte. En effet, comme l’a rappelé récemment M. le ministre de l’agriculture lors de son audition au Sénat, le lien au sol est essentiel dans notre agriculture. Nous ne pouvons donc avaliser une agriculture qui renierait ce lien, et ce d’autant moins pour l’agriculture bio.

Qu’il faille soutenir le développement des filières bio, y compris dans les outre-mer, c’est une évidence. Elles connaissent d’ailleurs, comme partout dans nos territoires, une forte progression depuis quelques années.

Les gros producteurs en monoculture font pression pour alléger le cahier des charges de l’agriculture bio, mais cela conduirait à une dévalorisation généralisée de la filière et des labels bio français et européens. Il faut, au contraire, soutenir les véritables démarches de transition, qui mêlent la polyculture élevage, les productions biologiques maraîchères et vivrières, ainsi que l’arboriculture.

Le texte que nous examinons contient de très bonnes mesures. Il est ainsi demandé à la Commission européenne de supprimer les tolérances à l’importation pour les denrées traitées par une substance active interdite dans l’Union européenne. Il est recommandé, par ailleurs, à la Commission « d’établir une liste noire pour interdire les importations de produits de la pêche et de légumes-racines depuis les pays qui ont traité massivement par le passé leur production avec des substances polluantes rémanentes dans le sol et l’eau » ; ce dernier point laisse songeur lorsque l’on connaît l’ampleur de la pollution au chlordécone aux Antilles.

On ne peut décemment interdire les importations sous prétexte de pollution diffuse et permettre à nos exploitations durablement polluées d’être certifiées bio !

La proposition de résolution évoque également les homologations de produits phytosanitaires. Il y a là, madame la ministre, un enjeu important.

La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt avait enregistré dans son article 50 un principe d’homologation simplifié pour les produits dits « de biocontrôle ».

À ce jour, la situation est au point mort. J’ai rencontré personnellement trois responsables de PME industrielles du secteur dont l’activité et les perspectives de croissance et d’emploi, sans compter la dynamique à l’international, sont bloquées, car le décret en Conseil d’État qui devait intervenir n’est toujours pas paru – ou, plus exactement, les décrets parus se révèlent inopérants.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, ne connaît pas de procédure simplifiée, c’est regrettable. Elle ne s’avoue pas davantage en mesure d’élargir la liste des préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP. À peine une centaine d’entre elles a été autorisée par décret sur une liste de près de 700 substances naturelles que nous avons soumise à l’Agence. Or leur usage permettrait de réduire drastiquement les problématiques rencontrées, y compris dans nos régions ultrapériphériques, sans avoir recours à des produits phytopharmaceutiques dont la dangerosité pour les populations et l’environnement est avérée.

Mes chers collègues, ne faisons pas l’erreur de croire que c’est en abaissant les exigences de qualité du label bio ou en autorisant des produits chimiques interdits par ailleurs que nous allons aider l’agriculture de nos régions tropicales. Nous le ferons, au contraire, en libérant les solutions innovantes et propres qui sont déjà à notre portée et qui n’attendent que leur autorisation par l’ANSES. Là encore, madame la ministre, des travaux de recherche spécifiques aux territoires d’outre-mer doivent être menés. Il convient également d’accompagner tous les agriculteurs qui le souhaitent vers une véritable transition agricole. Ne nous trompons pas de combat !

Pour marquer l’ensemble de ces réserves, le groupe écologiste a le grand regret de s’abstenir sur ce texte.

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