Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la constitution, pour le soutien au plan d’éléctrification du continent Africain « Plan électricité – Objectif 2025 »

Considérant que la fracture énergétique qui demeure entre l’Europe et l’Afrique, particulièrement dans le domaine de l’électrification dont l’insuffisance conduit à l’exclusion de plus de 600 millions de personnes des flux économiques mondiaux, associée à la révolution démographique en cours sur l’ensemble du continent africain, serait particulièrement préjudiciable à l’Europe et à la France, dès lors que rien n’est fait pour la résorber, les auteurs de cette proposition de résolution souhaitent que la France appuie la démarche engagée par la fondation « Énergies pour l’Afrique », de Jean-Louis Borloo, visant notamment à électrifier l’ensemble du continent africain, et forment « le souhait que le Gouvernement puisse y prendre sa juste part par toutes mesures utiles, diplomatiques ou financières, afin de rappeler que l’avenir de la France et de l’ensemble de l’Europe se joue autant au sud qu’au nord de la mer Méditerranée ».

Joël Labbé est le chef de file du Groupe écologiste.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cher Jean-Marie Bockel, auteur de cette proposition de résolution, peu de temps avant l’ouverture officielle à Paris de la COP 21, l’adoption du texte qui nous est aujourd’hui soumis serait le signe d’un engagement politique fort.

En ces temps où l’on dénigre tant la politique – tout comme vous, j’imagine, mes chers collègues, j’ai souvent besoin de défendre cette dernière –, la question se pose : qu’est-ce que la politique ? Je fais mienne cette définition toute simple, qui me plaît beaucoup : « Faire de la politique, c’est rendre possible ce qui est nécessaire. »

J’ai longtemps attribué cette citation à l’abbé Pierre, ce qui me convenait, mais j’ai découvert que, pour certains, elle était de Jacques Chirac. Après vérification, la paternité en reviendrait plutôt à Richelieu, ce qui permet de mettre tout le monde d’accord. (Sourires.) Pour ce qui est de Jacques Chirac, j’ai eu souvent plaisir à citer sa célèbre formule, « notre maison brûle », qui reste terriblement d’actualité…

Tout le monde sait que je ne suis pas un « cire-pompes », mais je tiens à saluer Jean-Louis Borloo, dont j’ignorais qu’il serait présent dans nos tribunes, tant cette initiative est marquée de son empreinte. J’ai été impressionné par la force de son propos lorsqu’il est venu, ici, au Sénat, nous convaincre de soutenir son projet.

Rappelons tout d’abord quelques chiffres.

L’Afrique compte aujourd’hui un milliard d’êtres humains, 50 % d’entre eux étant âgés de moins de 25 ans. C’est donc une population très jeune, qui dépassera vraisemblablement le nombre de 2 milliards à l’horizon 2050. Or 2050, c’est demain ! Aujourd’hui, près de 600 millions d’Africains, soit 70 % de la population, n’ont pas accès à l’électricité. L’équation est simple : pas d’électricité, pas de développement.

Jean-Louis Borloo affirme, chiffres et études à l’appui, que, en dix ans, quelque 80 % du continent africain pourraient être électrifiés. Techniquement, c’est possible, et ce n’est plus qu’une question de financement. Je veux le croire ! Le coût du plan Électricité-Objectif 2025 est estimé à environ 200 milliards d’euros. Selon lui, le budget européen peut trouver les moyens d’apporter une contribution forte, à savoir mobiliser 5 milliards d’euros par an, et ce pendant dix ans, ces financements publics européens étant abondés par d’autres moyens, notamment par des investissements privés.

À la clef, un véritable développement pour l’Afrique sera possible, avec une croissance moyenne passant de 5 % à 12 %, voire à 15 % par an. J’insiste sur le fait que l’on reste bien dans le cadre d’un développement modéré, non d’une surcroissance sur le modèle occidental, qui a trouvé ses limites et qui les a même dépassées.

Cette croissance africaine – ô combien salutaire pour la population – entraînera de plus entre 1,5 % et 2 % de croissance supplémentaire en Europe. Pour être salutaire pour nous, cette croissance doit être tournée vers la transition et source de véritables emplois.

Si nous ne nous bougeons pas, pouvons-nous imaginer, à nos portes, la population de tout un continent, une population jeune, qui n’a pas accès au développement minimum pour une vie décente, qui n’a pas de quoi se nourrir ? Peut-elle rester tranquille à attendre des jours meilleurs, alors que, par les médias, elle voit s’étaler toutes les richesses d’une population occidentale qui, de surcroît, porte une responsabilité énorme dans les désordres planétaires de toute nature, en particulier les désordres climatiques dont elle est la première victime ?

Restons lucides : dans cette hypothèse, les vagues de migrations seraient impossibles à arrêter. Tant pis pour ceux que ce discours dérange !

David Rachline. C’est de moi que vous parlez ?

Joël Labbé. Oui, ces propos s’adressent à vous !

Les populistes, tenants du repli sur soi, de l’égoïsme, de la haine, de l’inhumanité…

David Rachline. Sortez les violons ! (M. David Rachline imite le geste d’un violoniste.)

Joël Labbé. … pourront essayer de mettre en place tous les murs, tous les barbelés du monde : rien n’y fera ! Je suis profondément outré lorsque j’entends certains propos des plus simplistes, des plus poisseux, des plus haineux, qui jouent sur la misère des gens pour racoler d’indécente manière. (M. David Rachline ironise.) Ce racolage nous promet un avenir funeste, mais que nous ne verrons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

David Rachline. On verra aux élections régionales !

Joël Labbé. Heureusement, par des initiatives comme cette proposition de résolution, la France va se placer à la hauteur de sa réputation, de son histoire, de son avenir, des espoirs de ses enfants.

Au mois de juin dernier, Jean-Louis Borloo a conclu avec son énergie renouvelée : « L’Europe s’emmerde, la France déprime, mais qu’est-ce qu’on attend pour se bouger ? » Mes chers collègues, c’est du Borloo dans le texte ! (Sourires.)

Ensuite, il y a la mise en œuvre. Celle-ci passe par une couverture décentralisée du continent africain et par l’utilisation de l’ensemble du bouquet des énergies renouvelables. Ces politiques devront être menées en relation étroite avec les dirigeants africains, mais aussi avec les peuples de l’Afrique.

La plus grande transparence sera de rigueur, afin que les moyens alloués ne soient pas détournés et que ce développement, s’il suscite une économie, ne soit pas là pour permettre aux multinationales de continuer à distribuer des dividendes de manière indécente.

Le développement du continent africain suppose également l’évolution vers la souveraineté alimentaire. Il ne peut y avoir de développement sans accession à la souveraineté alimentaire. Il faut pour cela que cesse l’accaparement des terres aux fins d’y pratiquer des monocultures arrosées de pesticides, certaines visant à produire du carburant – c’est honteux ! – ou des cultures OGM pour engraisser les firmes de l’agrochimie, tout cela au détriment des cultures vivrières. Le développement de l’Afrique doit être global.

le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

Joël Labbé. Les temps sont en train de changer. Grâce à des actes comme celui que nous posons aujourd’hui, nous irons vers un monde de paix, de solidarité, de fraternité et d’humanité.

Nous voterons donc résolument ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.)

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