ACTU ENVIRONNEMENT – 31/05/2017 – Par Rachida Boughriet
Le Sénat a adopté une proposition de résolution appelant les Etats de l’Union européenne à interdire les usages non agricoles des pesticides chimiques, comme c’est déjà le cas en France. Le ministre Nicolas Hulot soutient la démarche.
Le Sénat a adopté le 19 mai une proposition de résolution européenne, portée par Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan, visant à interdire les usages non agricoles des pesticides chimiques, à l’instar de la France. Cette résolution, déposée le 23 mars dernier au Sénat par le groupe écologiste, propose d’élargir les dispositions de la loi Labbé de février 2014, à tous les pays de l’Union européenne. Ce mercredi 31 mai, Joël Labbé en présentant ce texte devant la presse, a salué son vote » à l’unanimité ». « Il faut profiter de la dynamique française pour influer sur l’Europe, et promouvoir l’adoption d’une réglementation ambitieuse concernant les pesticides, tout en généralisant les pratiques alternatives. »
Pour rappel, la loi de transition énergétique d’août 2015 a accéléré le calendrier d’interdiction initialement prévue par la loi Labbé. Depuis le 1er janvier 2017, l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics ne peuvent plus utiliser les produits phytos pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou de la voirie. La vente des phytos pour les particuliers sera également interdite, à compter du 1er janvier 2019. « Ces usages non agricoles représentaient avant le 1er janvier dernier environ 10% des volumes des produits phytos épandus en France », a rappelé M. Labbé. Selon le recensement mené par Agir pour l’environnement, Générations futures et Bio Consom’Acteurs, 1.188 communes sont aujourd’hui passées au « zéro pesticide » sur 36.000 communes en France, selon leur carte.
La résolution reprend ces deux mesures d’interdictions sans toutefois fixer d’échéance. A l’instar de ce qui est en vigueur en France, les stades, cimetières et voiries pour lesquels un « non-recours à ces produits pourrait s’avérer dangereux » ne sont pas concernés dans le texte. Les interdictions ne s’appliquent pas non plus aux produits utilisables en agriculture biologique, aux produits de biocontrôle, aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) et aux traitements envisagés dans le cas de la gestion des organismes nuisibles. Les usages professionnels agricoles ne sont pas non plus visés.
Un mouvement déjà engagé dans certains Etats membres
Cette résolution n’a pas « de valeur normative mais est un point de départ afin que les Etats membres adoptent des législations similaires », a souligné M. Labbé. Le sénateur s’est félicité du « soutien plein et entier » à cette résolution, apporté par Nicolas Hulot, le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire. M. Hulot portera cette démarche « au prochain Conseil des ministres européens de l’Environnement », a annoncé le sénateur. La résolution invite le Gouvernement « à agir en ce sens auprès des institutions de l’Union européenne ».
La France mais aussi la Belgique, le Danemark, le Luxembourg ou les Pays-Bas ont déjà mis en place des démarches de réduction des produits phytos. « La Hongrie est en train de transposer [réglementairement] les principes de la résolution », a précisé M. Labbé. Des parlementaires estoniens et italiens ont aussi « manifesté leur volonté de faire voter des propositions de loi ».
Convaincre la Commission européenne
Les 28 Etats membres sont déjà tenus de mettre en place des plans d’action nationaux pour réduire les risques de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement, selon le règlement du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytos. Reste qu’au niveau européen, la question des pesticides demeure particulièrement sensible. L’impact du glyphosate sur les cancers fait encore débat, alors que la Commission européenne a proposé le 16 mai dernier, de renouveler son autorisation de mise sur marché pour dix ans supplémentaires. De même, selon l’ONG Pollinis, la Commission aurait également critiqué le 3 mai dernier l’interdiction, prévue par la France, de sept substances actives de la famille des pesticides néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018. Quant aux critères de définition des perturbateurs endocriniens, ils n’ont toujours pas été arrêtés : « Le vote [des Etats membres] pourrait avoir lieu lors de la prochaine réunion prévue avant la pause estivale », a indiqué, ce 30 mai, un porte-parole de la Commission.
« Les gouvernements, les parlements et les opinions publiques doivent se mobiliser », a martelé Joël Labbé, en dénonçant la « force des lobbying ». Le sénateur espère la mobilisation d’une dizaine de pays autour de sa résolution pour obliger la Commission à se positionner.