Proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire

Dans le cadre d’un ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain, le Sénat a poursuivi, mercredi 3 février 2016, l’examen la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, adoptée par l’Assemblée nationale le 9 décembre 2015.
 
Cette proposition de loi vise à renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire, notamment en
·         inscrivant dans la loi la hiérarchie des actions à mettre en place pour récupérer et valoriser les denrées alimentaires et pour éviter leur gaspillage, de la prévention à l’utilisation à des fins énergétiques, en passant par la récupération à des fins de consommation ou pour l’alimentation animale ;
·         rendant obligatoire le recours à une convention pour les dons réalisés entre un distributeur de denrées alimentaires et une association caritative ;
·         prévoyant une sanction pour éviter la destruction volontaire de denrées alimentaires encore consommables par les commerces de détail ;
·         modifiant le régime juridique de la responsabilité des producteurs du fait de produits défectueux, afin de lever le blocage des dons de biens alimentaires sous marques de distributeur par leur fabricant ;
·         intégrant explicitement la lutte contre le gaspillage alimentaire au parcours scolaire, ainsi que dans le champ de la responsabilité sociale des entreprises.
 En séance publique, les sénateurs ont adopté ce texte à l’unanimité, sans modification.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue avant toute chose les auteurs de cette proposition de loi consensuelle, signée par plus de 300 députés, qui est examinée aujourd’hui par notre assemblée.

À l’échelle de la planète, 30 % de la production alimentaire est gaspillée quand près d’un milliard de personnes souffrent encore de malnutrition. Quel paradoxe ! Quelle situation humainement inacceptable ! Pourtant, comme nous le rappelle très justement Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation de 2008 à 2014, « le droit à l’alimentation est un droit de l’homme reconnu par le droit international qui protège le droit de chaque être humain à se nourrir dans la dignité, que ce soit en produisant lui-même son alimentation ou en l’achetant ».

Ce droit se décline selon quatre aspects.

Premièrement, la nourriture doit être disponible, c’est-à-dire en quantité suffisante pour l’ensemble de la population.

Deuxièmement, la nourriture doit être accessible : chaque personne doit pouvoir se procurer de la nourriture, soit grâce à sa propre production, en élevage ou en agriculture – n’oublions pas qu’un travailleur sur deux dans le monde est un agriculteur –, soit en disposant d’un pouvoir d’achat suffisant.

Troisièmement, l’accès à la nourriture doit être stable et durable : la nourriture doit être disponible et accessible en toutes circonstances, même en cas de guerre ou de catastrophe naturelle.
Enfin, quatrièmement, la nourriture doit être salubre, c’est-à-dire consommable et hygiénique, notamment l’eau.

Voilà ce qu’est le droit à l’alimentation. Ce droit doit être mis en œuvre partout et pour tous sur la planète, en premier lieu chez nous, en France ! Il s’agit d’un objectif à atteindre le plus rapidement possible.

Venons-en au constat qui a conduit au dépôt de ce texte.

Le gaspillage alimentaire représente de vingt à trente kilos de déchets alimentaires, dont sept kilos de produits non consommés encore emballés, par an et par personne. Selon la FAO, un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est gaspillé, perdu ou jeté entre le champ et l’assiette dans le monde. L’ADEME estime le coût du gaspillage alimentaire entre 100 et 160 euros par an et par personne en France, soit 12 milliards à 20 milliards d’euros.

La proposition de loi établit une hiérarchie des actions à engager pour lutter contre le gaspillage alimentaire : la prévention du gaspillage alimentaire ; l’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ; l’interdiction de cette abominable pratique consistant à rendre impropre à la consommation des denrées avant leur date effective de péremption ; la valorisation destinée à l’alimentation animale ; enfin, l’utilisation à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation.
Pour cela, la mobilisation et la formation de l’ensemble des acteurs au niveau local sont nécessaires. Un point essentiel de cette proposition de loi réside précisément dans l’éducation à l’alimentation, comme l’a dit notre collègue Nicole Bonnefoy. C’est une nécessité absolue ! C’est même étonnant que cette éducation soit sortie du cadre alors qu’elle répond à un besoin vital. Dans le passé, elle faisait même partie des enseignements fondamentaux.

La proposition de loi prévoit également de lutter contre le gaspillage alimentaire en associant les opérateurs de restauration scolaire. Une telle mesure permettra de réduire les coûts pour les communes. Sachez que la ville de Mouans-Sartoux a ainsi fait baisser le coût de ses matières premières de 2,02 euros à 1,86 euro par repas en un an en menant ce type de politique.
Réfléchissons aussi aux moyens de limiter notre consommation de produits carnés. Disons-le, même en cette période de crise de l’élevage, la transition passe par une production carnée en moindre quantité et de meilleure qualité.

Mettons en place les projets alimentaires territoriaux, que nous avons prévus dans la loi d’avenir pour l’agriculture. C’est un outil clé pour réduire drastiquement, non seulement le gaspillage, mais également l’impact global de l’agriculture. En tant qu’élus des territoires, nous avons un rôle essentiel à jouer pour mettre en mouvement les acteurs locaux et dynamiser ces projets. Pour ma part, je prendrai une initiative de cette nature dans le département du Morbihan.

Nous reviendrons sur ces sujets lorsque nous examinerons la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, qui a elle aussi été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. J’ai d’ailleurs appris ce matin que je serai rapporteur de ce texte au Sénat. Pour moi, c’est une première dont je suis fier. Je m’efforcerai d’être à la hauteur pour qu’ici aussi la proposition de loi puisse être adoptée à l’unanimité.

Mes chers collègues, nous n’avons pas non plus déposé d’amendement sur la présente proposition de loi. Le texte pourrait encore être amélioré – ce sera certainement le cas dans l’avenir –, mais nous souhaitons une adoption conforme afin que sa mise en œuvre soit rapide. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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