Conclusions de la Commission Mixte Paritaire
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je tiens à saluer Mme la secrétaire d’État qui reprend « en live », deux jours de suite, deux textes – hier, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, aujourd’hui ce projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises –, deux textes qui possèdent leurs liens, leur cohérence, leur complémentarité et replacent l’humain au cœur de nos préoccupations.
L’artisanat, le commerce et les très petites entreprises ne sont pas seulement un secteur essentiel de l’économie française. Ces petites entreprises sont un vecteur de proximité et de lien social ; elles sont porteuses d’une économie à taille humaine, d’emplois non délocalisables et de savoir-faire précieux pour nos territoires.
Pour les écologistes, sauvegarder ces secteurs économiques de proximité est un enjeu essentiel. Et pour cause ! Les villages ou les zones urbaines sensibles voient en effet trop souvent disparaître leur dernier commerce. De même, des quartiers monofonctionnels ou encore des locaux commerciaux vacants apparaissent dans les villes. Avec cette disparition du commerce et de l’artisanat de proximité, ce sont l’animation et la vie dans les cœurs de villes et les bourgs qui menacent de s’éteindre.
Parallèlement, de grandes enseignes remplacent les commerces indépendants en centre-ville et des temples de la consommation continuent d’apparaître en périphérie. Je voudrais citer ici David Mangin, auteur de La Ville franchisée, pour qui« ces métastases urbaines périphériques » ne marquent pas l’histoire, mais « un chaos de l’histoire ». La progression de grandes zones commerciales périphériques est néfaste pour les petits commerces qu’elles concurrencent, mais elle est également contraire à l’intérêt général. Y remédier nécessite une forte volonté politique, manifestée avec souffle et passion, pour reprendre les termes employés par Mme la secrétaire d’État.
En effet, la croissance des espaces commerciaux est déconnectée de la demande de nos concitoyens: chaque année, la surface commerciale augmente de plus de 3 %, principalement en périphérie, alors que la consommation évolue à moins de 1 %.
Or ces évolutions posent problème pour l’égalité entre les citoyens : la proximité est essentielle, pour les personnes âgées notamment, dont la mobilité peut être réduite. Elle est également importante pour les segments les plus pauvres de notre population qui vivent dans des territoires ruraux ou périurbains. Avec la hausse du prix de l’énergie, les inégalités économiques se doublent d’inégalités écologiques dans l’accès aux ressources. Une vulnérabilité apparaît pour ces populations dépendantes de la voiture – et même, pour beaucoup de ménages, de deux voitures –, qui risquent de subir les conséquences de la raréfaction du pétrole.
Ces évolutions sont par ailleurs problématiques pour l’environnement : l’étalement urbain, dont est porteuse la croissance du commerce de périphérie, engendre des déplacements coûteux en infrastructures, en émissions de gaz à effet de serre et de particules fines.
Ces périphéries sont également particulièrement gourmandes en surfaces agricoles. Les terres nourricières, qui devraient fournir aux citadins une alimentation de qualité via les circuits courts, sont grignotées par le développement de ces zones commerciales. Ce gâchis est d’autant plus fort que, dans ces espaces périphériques, entre lesquels la concurrence est effrénée, on voit surgir de plus en plus de friches commerciales. Or celles-ci ne pourront être que de plus en plus nombreuses, à l’heure où les enjeux environnementaux imposent plus de sobriété dans notre utilisation de l’énergie et dans nos pratiques de consommation.
Enfin, ces zones commerciales sont pauvres en emplois, notamment en emplois de qualité.
Pour faire face aux défis du pic pétrolier, du réchauffement climatique, du vieillissement de la population, de l’égalité des territoires, il nous est donc essentiel de préserver une économie de proximité.
Ce texte apporte un certain nombre de réponses à ces enjeux. La valorisation des savoir-faire des artisans va dans le sens d’une amélioration pour ce secteur et pour les consommateurs. De même, les mesures de simplification du droit pour les très petites entreprises seront utiles. Il fallait parallèlement mieux encadrer le statut d’auto-entrepreneur, notamment pour lutter contre le salariat déguisé.
Les mesures destinées à protéger les commerçants locataires étaient également nécessaires : les loyers trop élevés constituent une difficulté pour le maintien des activités artisanales et commerciales en centre-ville, en particulier pour le commerce indépendant.
Concernant l’aménagement du territoire, le texte donne des outils aux élus pour mieux maîtriser le développement du commerce. Je pense par exemple à la possibilité pour les communes de déléguer le droit de préemption commerciale, aux contrats de revitalisation artisanale et commerciale, ou encore à la possibilité d’autosaisine de la Commission nationale d’aménagement commercial, la CNAC, pour les très grands projets. Nous sommes également satisfaits de la fusion de la procédure de permis de construire avec l’autorisation d’exploiter.
Toutefois, les écologistes auraient souhaité aller plus loin encore dans la maîtrise de nos territoires, dans un objectif de développement soutenable. Je regrette, par exemple, que la commission mixte paritaire n’ait pas retenu la surface plancher plutôt que la surface commerciale comme critère d’examen pour les commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC. Cela aurait permis de contrôler davantage les projets commerciaux.
Je regrette par ailleurs que l’on n’ait pas trouvé le moyen d’assujettir les drives à la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM. J’espère que les prochaines lois de finances nous permettront de trouver une solution pour adapter notre fiscalité à cette nouvelle forme de commerce, de manière à contrôler les déséquilibres dont elle peut être porteuse.
Nous aurions en outre souhaité que des mesures soient prises pour favoriser une véritable mixité fonctionnelle, vecteur de proximité. Enfin, nous aurions préféré maintenir le lien entre le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, et la TASCOM, pour affirmer la solidarité entre les petits commerces et les grandes surfaces. Nous désirons que l’application de la réforme de ce fonds se fasse en faveur des territoires les plus en difficultés.
Malgré ces quelques regrets, les écologistes se prononceront en faveur du présent projet de loi : ses dispositions seront utiles pour les artisans, les commerçants et les très petites entreprises, ainsi que pour les consommateurs, et offriront quelques outils à la puissance publique. Cependant, ces mesures techniques ne peuvent constituer qu’une étape. Les enjeux de l’adaptation de notre territoire et de notre économie à la raréfaction du pétrole et au changement climatique sont tels qu’une réforme d’ampleur est nécessaire pour recentrer l’économie et l’urbanisme commercial sur la proximité et les filières courtes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l’UDI-UC.)