Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président Guillaume me faisait remarquer, lorsque je me dirigeais vers la tribune, que Michel Le Scouarnec tenait un discours quasi écologiste. Eh bien, j’en suis très heureux, et cela ne me surprend pas !
M. Didier Guillaume. J’ai dit qu’il vous « piquait » votre fonds de commerce !
M. Joël Labbé. Quoi qu’il en soit, la régulation, l’agriculture familiale, rémunératrice des agriculteurs, respectueuse des équilibres, la relocalisation de l’alimentation via les projets alimentaires territoriaux, la remise en place de systèmes de polyculture-élevage, voilà les sujets qui sont au cœur de l’avenir agricole, selon nous !
Monsieur le ministre, j’ai suivi avec attention les réponses que vous avez faites à mes collègues à l’Assemblée nationale concernant la possibilité pour les départements de continuer à soutenir les agriculteurs qui font le choix de la transition vers l’agriculture biologique, en cohérence avec les politiques régionales.
C’est effectivement une préoccupation très forte qui remonte de nos territoires et j’aimerais que vous précisiez devant le Sénat quelles sont les véritables modalités de soutien des départements. Il semble que ceux-ci puissent conclure des conventions avec les régions. Cependant, si certains ne le souhaitent pas, il y aura une iniquité de traitement entre les agriculteurs en fonction des départements.
M. Antoine Lefèvre. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Concernant la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », les arbitrages ont permis de préserver un certain nombre de mesures qui constituent, selon nous, le cœur de la transformation agro-écologique de la France.
Je pense aux mesures agro-environnementales et climatiques, qui ménagent une enveloppe de 72 millions d’euros pour de nouveaux contrats.
Le CASDAR voit son plafond revalorisé de 22 millions d’euros. J’ai entendu les réserves qui ont été émises tout à l’heure et j’espère vivement que ce compte d’affectation spéciale continuera à jouer pleinement son rôle.
Je pense encore au renforcement de l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, l’Agence Bio, et au maintien du fonds de structuration des filières biologiques « Avenir Bio », mais aussi au renforcement des politiques en faveur de l’installation des nouveaux agriculteurs, avec 6 000 nouvelles installations aidées par an.
Ces efforts constituent le cœur de l’agriculture de demain. Ils vont dans le sens de nos attentes.
Nous nous interrogeons cependant sur les projets alimentaires territoriaux, qui auraient mérité un financement spécifique. Nous y attachons beaucoup d’importance, vous le savez. Dans les régions dans lesquelles nous aurons notre place, nous mettrons l’accent sur ces projets, qui ont beaucoup d’avenir.
Afin que l’on puisse prendre en compte la réalité des coûts agricoles, je renouvelle une fois de plus mon souhait que le ministère de l’agriculture se penche véritablement sur le chiffrage des aménités positives et des externalités négatives des différents types d’agriculture, en prenant en compte l’ensemble des effets financiers, notamment la pollution des eaux, de l’air, les frais de santé, le coût en carbone et l’atteinte aux pollinisateurs. Il conviendrait de dresser une typologie de ces incidences pour chacun des types d’agriculture que nous connaissons.
Je souhaite également, monsieur le ministre, que vous nous apportiez quelques précisions sur l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF. Ma collègue Marie-Christine Blandin a interrogé Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, puisque cet institut se trouve dans le programme 142 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Cependant, M. Mandon nous a renvoyés vers vous, afin de mieux cerner les missions de cet organisme de recherche et son ambition pour l’avenir, car il semble particulièrement peu doté, ne disposant que d’un budget de 688 500 euros.
Ce projet de loi de finances traduit une volonté de donner une autre dimension à la transition agricole, nous le reconnaissons. Celle-ci devra être accélérée dans les années qui viennent tant le modèle agricole dominant montre ses limites.
L’agro-écologie, que vous avez su mettre en avant, monsieur le ministre, est la solution d’avenir, tant pour produire l’alimentation destinée à nourrir les populations de la planète que pour remédier au dérèglement climatique. Demain matin, et c’est une véritable fierté pour la France, dans le cadre de la COP 21, vous serez au Bourget pour présenter à la Terre entière le programme 4 pour 1000, dont les enjeux sont de miser sur les sols pour la sécurité alimentaire et pour le climat, des sols vivants réhabilités par les pratiques agro-écologiques partout sur la planète.
Nous serons vigilants par rapport aux tentations de récupération par les tenants de l’agriculture productiviste, de l’agrochimie et de l’agrobusiness, ceux qui parlent aujourd’hui d’« agriculture climato-intelligente », dont nous nous méfions tant.
En conclusion, je le dis une nouvelle fois, les productions alimentaires ne sont pas des marchandises comme les autres, et j’espère vivement que, en cette période historique de la COP 21, nous avancerons vers la mise en œuvre d’une véritable gouvernance mondiale de l’alimentation. Je précise que si les crédits que nous examinons ne sont pas trop écornés au cours de leur examen, monsieur le ministre, nous les voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
> Voir le Dossier législatif
> Voir le Compte-rendu intégral de la séance