PROPOSITION DE LOI
visant à favoriser le télétravail en cas d’épisode de pollution,
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 03 janvier 2018
Présentée par
M. Jean-Claude REQUIER, Mme Nathalie DELATTRE, MM. Guillaume ARNELL, Stéphane ARTANO, Alain BERTRAND, Mme Maryse CARRÈRE, MM. Joseph CASTELLI, Yvon COLLIN, Jean-Pierre CORBISEZ, Mme Josiane COSTES, MM. Ronan DANTEC, Jean-Marc GABOUTY, Éric GOLD, Jean-Noël GUÉRINI, Mmes Véronique GUILLOTIN, Mireille JOUVE, M. Joël LABBÉ, Mme Françoise LABORDE, MM. Olivier LÉONHARDT, Franck MENONVILLE et Raymond VALL, , sénateurs.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’un décès sur neuf dans le monde est lié à la pollution de l’air. En France, l’ANSES évalue son impact sanitaire à 48 000 décès prématurés par an. La survenance plus fréquente des pics de pollution implique d’agir sur les causes.
Tous les secteurs peuvent contribuer à limiter cette pollution et les entreprises ont un rôle à jouer en agissant sur les déplacements de leurs salariés en recourant davantage au télétravail.
Augmentation de la productivité des salariés, meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, réduction du temps moyen de trajet domicile-travail, le télétravail comporte des avantages à la fois pour les entreprises et pour les salariés. Il constitue, de surcroît, un outil d’aménagement du territoire grâce à une redistribution géographique des emplois.
Pourtant, les entreprises françaises restent réticentes, souvent en raison d’un cadre juridique jugé flou (notamment en matière d’accidents du travail) en dépit de l’adoption de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, dite « loi Warsmann ». Le recours au télétravail demeure faible en France, par rapport aux pays scandinaves et anglo-saxons. Le rapport rendu par les partenaires sociaux évoque une fourchette de 2 % à 6 % pour le télétravail avec avenant et de 16 % à 20 % pour le télétravail informel.
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail a complété les règles encadrant le télétravail en vue de le favoriser. Celui-ci devra désormais être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après consultation du comité social économique (s’il existe). À défaut, l’accord est formalisé par tout moyen entre le salarié et l’employeur. Toutefois, si le salarié a le droit de demander le recours au télétravail, il suffit à l’employeur de motiver son refus.
Or la circulation alternée a fait l’objet de vives critiques, les employés devant se rendre par d’autres moyens sur leur lieu de travail, alors que les transports publics en commun sont saturés. Cette source de stress a un impact certain sur l’activité de l’entreprise. Certains salariés posent des jours de congé, alors que la nature des activités qu’ils exercent pourrait leur permettre de travailler à domicile, de manière exceptionnelle.
Ces circonstances exceptionnelles méritent une réponse ponctuelle et efficace à la fois pour la protection de l’environnement, le bien-être des salariés, et par là, le fonctionnement de l’entreprise.
Par l’article 1er il est proposé de créer un droit pour le salarié au télétravail réservé aux postes « télétravaillables » lorsque des mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution sur la population ont été prises par le préfet en application de l’article L. 223-1 du code de l’environnement1(*).
L’article 2 complète l’article L. 1222-11 du code du travail qui dispose qu’en cas de circonstances exceptionnelles, « notamment de menace d’épidémie ou en cas de force majeure », l’employeur peut imposer le recours au télétravail qui est, dès lors, considéré comme « un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ». Il s’agit d’inclure dans ces circonstances exceptionnelles les épisodes de pollution.
L’article 3 prévoit d’inclure le télétravail au sein des thèmes obligatoires à traiter lors des négociations collectives en vue de déclencher le dialogue social autour de cette organisation du travail qui intéresse de plus en plus les partenaires sociaux.
Enfin, l’article 4 fixe la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi au premier jour du sixième mois suivant sa publication.
L’impact sur l’organisation des entreprises devrait être marginal puisque celles-ci seront préparées, par la suite, à gérer la survenance des épisodes de pollution.
La présente proposition de loi, en incitant à adopter le télétravail lors des pics de pollution, peut constituer l’opportunité pour certaines entreprises d’expérimenter le télétravail, afin de l’encourager de manière pérenne.
Elle entend ainsi contribuer au respect du droit pour chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé, reconnu par la loi du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, en complétant l’éventail encore insuffisant des mesures d’urgence en cas d’épisode de pollution.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après le septième alinéa de l’article L. 1222-9 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’épisode de pollution, lorsque des mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution ont été prises en application de l’article L. 223-1 du code de l’environnement, l’employeur fait droit à la demande du salarié de recourir au télétravail, lorsque la nature des activités qu’il exerce le permet. »
Article 2
À l’article L. 1222-11 du code du travail, après le mot : « épidémie », sont insérés les mots : «, d’épisode de pollution lorsque des mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution ont été prises en application de l’article L. 223-1 du code de l’environnement ».
Article 3
Au 1° de l’article L. 2242-1 du code du travail, après les mots : « le temps de travail », sont insérés les mots : «, le télétravail ».
Article 4
La présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa publication.
* 1 L’article L. 223-1 du code de l’environnement dispose qu’ « en cas d’épisode de pollution, lorsque les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article L. 221-1 ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l’être, le préfet en informe immédiatement le public selon les modalités prévues par la section 2 du chapitre Ier du présent titre et prend des mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution sur la population. Ces mesures, prises en application du plan de protection de l’atmosphère lorsqu’il existe et après information des maires intéressés, comportent un dispositif de restriction ou de suspension des activités concourant aux pointes de pollution, y compris, le cas échéant, de la circulation des véhicules notamment par la réduction des vitesses maximales autorisées, et de réduction des émissions des sources fixes et mobiles. En cas d’épisode de pic de pollution prolongé, le ministre chargé de l’aviation civile prend les mesures nécessaires pour tenir compte de la pollution due aux mouvements d’aéronefs. »