Madame la Sénatrice,
Monsieur le Sénateur,
Mes chers collègues,
Comme sans doute un certain nombre d’entre vous, je suis particulièrement inquiet de la montée de l’abstention au fil des différentes consultations électorales. Pour les prochaines élections régionales de début décembre, de bien tristes records pourraient encore être battus, laissant de plus en plus de place aux dérives populistes. J’ai beaucoup de discussions et d’échanges pour essayer de comprendre et trouver des réponses afin d’enrayer cette fuite de la démocratie. Très souvent, les retours que j’en ai sont du style « on n’y croit plus parce que vous les politiques, malgré vos beaux discours et vos belles intentions, vous n’y pouvez rien face au poids des intérêts économiques et face à la puissance de la finance ».
Cela, je l’entends de plus en plus, et le supporte de moins en moins. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence, c’est bien cette impression qui est perçue par une fraction grandissante de la population ; et les signes inverses que nous donnons sont beaucoup trop rares.
Je me suis fait cette réflexion au sujet de la Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre dont l’examen a commencé au Sénat le 21 octobre et se poursuivra lors de la séance du mercredi 18 novembre prochain.
Comme tout se sait, j’ai appris avec un profond dépit, que, quelle que soit la teneur des débats et des arguments avancés, aucune majorité ne pourrait se dégager au Sénat. Les arguments tiennent essentiellement à la perte de compétitivité de nos entreprises. Il faudrait attendre que ce soit l’Union Européenne qui s’en saisisse… etc… Autant de propos qui deviennent insupportables quand on se remémore, les récentes catastrophes humaines et environnementales, comme celle du Rana Plaza le 24 avril 2013 au Bengladesh.
Pourtant de quoi s’agit-il ? Toute société donneuse d’ordre doit établir et mettre en œuvre un plan de vigilance pour les activités de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs en France comme à l’étranger. Cette proposition s’inscrit dans un esprit de prévention et permet à la France de se mettre tout simplement en conformité avec ses engagements internationaux tels que les principes directeurs des Nations-Unies sur les entreprises et les droits de l’homme. En ce qui concerne l’ Europe, d’autres pays travaillent aussi à des propositions similaires. Et puis plusieurs entreprises françaises appliquent déjà ce principe de vigilance.
Vous connaissant maintenant pratiquement toutes et tous, je reste persuadé que, par delà les positions de nos partis politiques, nous pouvons dégager une très large majorité pour adopter ce texte. Quelle image positive serait alors donnée à notre population à la veille des élections régionales !… et au monde entier à la veille de la COP21 ! Quelle image positive serait enfin donnée à notre Haute Assemblée qui a bien besoin de se réhabiliter aux yeux des Françaises et des Français !
Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de m’adresser à vous par cette lettre ouverte et vous informer dès aujourd’hui que je proposerai à mon groupe de demander un vote à scrutin public à l’issue des débats sur ce texte. De ce fait, chacune et chacun d’entre nous pourra et devra exprimer par son vote sa propre position « en son âme et conscience »… et l’assumer ensuite.
C’est ainsi que l’on pourra démontrer aux populations que l’on représente notre capacité à prendre nos responsabilités et à les assumer. Il est urgent que les gens puissent croire encore que faire de la politique, c’est être au service du bien commun, de l’intérêt général, et de celui des générations futures.
Soyez assurés, mes chers collègues, sénatrices et sénateurs, de mon plus profond respect.
Le 12 novembre 2015
Joël Labbé
Bravo pour ton courage politique et ta générosité. Espérons que la très grande majorité de tes collègues sauront se rassembler autour de ces valeurs humanistes fondamentales. Il est nécessaire que les politiques retrouvent le chemin de l’efficacité collective pour se donner les moyens d’action qui conviennent.
Mr le Sénateur
Votre lettre ouverte du 12 novembre 2015, relayée par des amis sur Facebook, m’a profondément touchée et je ne peux que vous présenter mon approbation, tant dans le fond que dans la forme.
Sur le fond, bien que ce ne soit pas votre rôle premier, le sujet de cette proposition de loi ne semble pas aborder le besoin de désigner des responsabilités en cas de sinistre.
J’ai en mémoire le triste accident de Bhopal en 1984 qui m’a profondément marqué et qui a tué des milliers de personnes, sur le coup ou de ses conséquences.
La justice indienne n’a jamais pu faire comparaitre les représentants de l’usine ou du groupe industriel américain devant ses tribunaux.
Même si l’on désigne un coupable concernant les victimes premières d’un accident, il est important d’y inclure les conséquences médicales ou psychologiques qui en découlent et qui doivent aussi être assumées pleinement.
Merci encore pour votre démarche qui, espérons-le, redonnera un sens au mot ‘politique’.
Cordialement.
Jacques Millet.