Insectes pollinisateurs / Intervention en séance du 4 février 2015
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe écologiste, l’examen de la proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Joël Labbé et plusieurs de ses collègues (proposition n° 643, [2013-2014]).
Dans le débat, la parole est à M. Joël Labbé, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Joël Labbé, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne ferai pas un discours de discussion générale, car je n’aime pas les discours. Je souhaite vous livrer un manifeste. Un manifeste pour le respect de la vie.
Je m’adresse directement à vous, mes chers collègues, car mon rôle, ma responsabilité, c’est de tout faire pour vous convaincre.
Je m’adresse aussi à tous ceux qui sont concernés par le sujet qui nous réunit aujourd’hui, en premier lieu le monde agricole, mais aussi à l’ensemble de cette nombreuse population de citoyennes et de citoyens directement intéressée par ces questions et qui forme une véritable foule sentimentale.
Ce manifeste pour la vie vise tout particulièrement nos jeunes, ces générations nouvelles qui ont soif d’idéal dans un monde qui tangue, ainsi que, bien sûr, les générations futures, en perspective.
Il n’est pas facile de présenter un texte qui dérange autant – je sais que c’est le cas -, qui dérange bien au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. Vous commencez à me connaître : je vais le faire avec toute la force de mes convictions.
Il est pourtant tout simple, ce texte, et ne devrait gêner personne, bien au contraire. Je vous en lis la phrase essentielle, que vous devez connaître par cœur tant elle est simple et soft :« Le Sénat […] invite le Gouvernement français à agir auprès de l’Union européenne pour une interdiction de toutes les utilisations de ces substances néonicotinoïdes tant que les risques graves pour la santé humaine, animale et l’environnement ne seront pas écartés. »
Sur la forme, c’est non pas une injonction, mais une invitation. En toile de fond, bien sûr, même s’il n’est pas écrit, se trouve le principe de responsabilité, qui est à la base de notre rôle politique, que l’on soit membre du Gouvernement, monsieur le ministre, ou parlementaire, mes chers collègues. Membres de la représentation nationale, ce n’est tout de même pas rien !
Il fallait évoquer ce principe à propos de cette invitation au Gouvernement à bien vouloir relayer auprès de l’Union européenne nos préoccupations concernant cette responsabilité, écho de celles d’une foule importante.
On appelle cela une résolution, ce n’est tout de même pas une révolution ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Michel Le Scouarnec. C’est dommage ! On la fera après.
M. Joël Labbé. Il s’agit pourtant bien d’une toute petite révolution, qui s’inscrit dans la logique de ce qu’Edgar Morin définit si joliment comme étant la« nécessaire métamorphose » de la société, qui inclut une part d’indignation, à laquelle nous invite son complice Stéphane Hessel.
M. François Bonhomme. Quelles références !
M. Joël Labbé. Il ne s’agit donc que d’une simple résolution, d’une invitation.
Après ce préambule nécessaire, venons-en au texte.
Je développerai mon propos en cinq parties : je vous exposerai tout d’abord par quel cheminement j’en suis arrivé là.
Ensuite, je développerai les raisons, scientifiques, agronomiques, environnementales et aussi économiques qui ont motivé cette résolution.
L’aspect essentiel de la santé humaine sera abordé tout à l’heure par ma collègue écologiste Aline Archimbaud, que chacun sait très impliquée sur les questions de santé. ( Applaudissementssur les travées du groupe écologiste.)
Le point suivant concernera les alternatives, qui ne peuvent se limiter au seul remplacement des substances en cause par des produits de substitution. L’agriculture doit faire sa transition en réintégrant les principes de l’agronomie. Ce que vous appelez« agroécologie », monsieur le ministre, ne peut porter ce nom si l’on persiste dans l’utilisation des néonicotinoïdes.
Puis, j’oserai aborder le spirituel, c’est une question majeure. Oui, le spirituel ! Ce n’est pas habituel en politique, mais je vais tout de même le faire, en sénateur inhabituel, improbable et imprévisible.
Mme Esther Benbassa. Ah oui !
M. Joël Labbé. Enfin, je vous parlerai de politique, unique raison de notre présence dans cette enceinte. Je vous expliquerai comment je vois la politique, comment je la vis, comment je la souhaite: une politique qui rime avec éthique.
Je n’oublie pas l’objectif : dénoncer les abominables criminels que sont les pesticides néonicotinoïdes. Oui, vous avez bien entendu : criminels ! Je développerai ce point et cette accusation ultérieurement.
Par quel cheminement en suis-je arrivé là ?
Après trente-sept ans d’une vie d’élu local très heureuse et très riche, alors que je n’ai jamais eu de projet de carrière politique et n’en ai toujours pas, j’ai pris le risque d’être candidat aux élections sénatoriales de 2011.
Ayant été élu avec surprise, de manière inattendue, je siège dans cet hémicycle depuis trois ans en qualité de sénateur du Morbihan et, comme nul n’est parfait, sur les travées écologistes. (Sourires.)Je suis heureux et fier d’être membre de ce groupe.
Dès mon arrivée en immersion dans cette majestueuse maison qu’est le Palais du Luxembourg, j’ai intégré la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement. Initialement, l’objet de la mission était donc double et incluait l’incidence de ces produits sur la santé humaine et sur l’environnement. Le volet consacré à la santé humaine a cependant été si lourd, que, en sept mois de travail, nous avons été contraints de nous en contenter. Il faudrait d’ailleurs étudier la suite à donner à ce travail.
Cette mission avait vu le jour sur l’initiative de Nicole Bonnefoy, sénatrice de Charente, qui en était la rapporteur, et était brillamment présidée par Sophie Primas, membre de l’UMP. Cette équipe pluri-politique a particulièrement bien travaillé en commun.
Lors de cette première mission, j’ai pu me rendre compte de la richesse du travail de notre assemblée hors les murs qui doit annoncer des suites législatives dans ses murs.
Comme tous les participants, j’ai été particulièrement touché par les propos de spécialistes : le professeur Charles Sultan, pédiatre endocrinologue à Montpellier, est spécialisé dans les questions de puberté précoce ; le professeur Rémi Besson est chirurgien au CHU de Lille, et, face à leur augmentation, il s’est spécialisé dans les malformations génitales des nouveau-nés masculins ; le docteur Nadine Houédé est spécialiste du cancer de la vessie. Il est avéré que, à l’origine de ces pathologies, on trouve les pesticides.
Près de la moitié des cent neuf recommandations que la mission a votées à l’unanimité ont déjà été adoptées par les ministères concernés. Les autres sont intégrées au fur et à mesure dans les projets de loi, dont la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, monsieur le ministre, ou font l’objet de propositions de loi d’initiative parlementaire.
J’en ai fait l’expérience en élaborant la proposition de loi visant à interdire l’usage des pesticides sur les espaces publics des collectivités à partir de 2020 et dans les jardins domestiques dès 2022. Celle-ci a été adoptée au mois de février 2014. Ce n’était pour moi qu’une étape : je ne cherche pas à inscrire mon nom au bas d’une loi.
Cela étant, comme je m’intéresse tout particulièrement aux domaines agricole et alimentaire, j’organise chaque année un colloque au Sénat. Le thème de celui qui a été mis en place au printemps 2013, juste avant l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, était l’agroécologie, ce que doit être l’agroécologie.
Le 5 juin 2014, le colloque que j’organisais en lien étroit avec l’UNAF, l’Union nationale de l’apiculture française, s’intitulait : « Pour une agriculture respectueuse des pollinisateurs. » À cette occasion étaient réunis un certain nombre d’experts et de chercheurs internationaux, de professionnels de l’apiculture, d’acteurs associatifs et de parlementaires. L’ensemble des intervenants avaient estimé que l’usage des néonicotinoïdes avait une incidence avérée sur le déclin des colonies d’abeilles.
« Les preuves sont très claires. Nous sommes face à une menace qui pèse sur la productivité de notre milieu naturel et agricole. Il convient de planifier leur suppression progressive à l’échelle mondiale. » Ainsi, s’exprime le Britannique Dave Goulson, biologiste et apidologue de l’université du Sussex.
C’est à la suite de ce colloque que j’ai déposé le 19 juin dernier, sur le bureau de la Haute Assemblée, la présente proposition de résolution. Simultanément, le député de Dordogne Germinal Peiro, rapporteur du projet de loi d’avenir pour l’agriculture précité, déposait un texte identique à l’Assemblée nationale.
Quelques jours après étaient publiées les conclusions d’une méta-étude reprenant l’ensemble de la littérature scientifique de quinze pays sur les néonicotinoïdes.
Cette étude transversale, réalisée par la Task force on systemic pesticides, visait à examiner les causes potentielles du déclin des insectes depuis les années cinquante. Ce travail gigantesque mené par vingt-neuf chercheurs, dont Dave Goulson et le Français Jean-Marc Bonmatin, chercheur en biophysique moléculaire au CNRS d’Orléans, a révélé un effondrement massif du nombre de certaines espèces d’insectes, bien au-delà des seuls pollinisateurs, à partir du début des années quatre-vingt-dix. Ce phénomène a commencé en Europe de l’Ouest, avant de s’étendre rapidement à l’est et au sud.
En tant que scientifiques indépendants, sans aucuna priori, ces professionnels ont découvert que l’effondrement de ces populations coïncide avec l’introduction des pesticides systémiques, persistants et neurotoxiques de la famille des néonicotinoïdes.
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Joël Labbé. L’étude démontre que ces néonicotinoïdes touchent également les oiseaux insectivores communs, qui accumulent des doses importantes de ces produits à la toxicité extrêmement forte. Ces pesticides ont aussi une incidence sur les petits mammifères qui se retrouvent exposés à cause, d’une part, de leur proximité avec les cultures et, d’autre part, de l’ingestion de graines enrobées et de plantes traitées. Mais c’est également l’ensemble de la faune et de la microfaune du sol agricole qui est concerné.
En première ligne, sont affectés les vers de terre, qui sont exposés à des niveaux élevés via le sol et les plantes. Vous le savez bien, monsieur le ministre, vous qui leur avez rendu un vibrant hommage lors de la troisième conférence environnementale. Celui que vous avez nommé votre « camarade », le ver de terre, est l’un des plus grands marqueurs de la bonne santé des sols et de la biodiversité.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Joël Labbé.Vous avez déclaré : « Trois tonnes de vers à l’hectare, ça vous remue 280 tonnes de terre. »
M. Stéphane LeFoll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Plus !
M. Joël Labbé.« Pendant ce temps-là, vous n’avez pas besoin de labourer », avez-vous ajouté. C’est vrai ! Or l’étude montre que les vers de terre sont en première ligne de cet empoisonnement généralisé.
Pourtant, quand on a des camarades – moi, mes camarades, je les appelle mes« potes » ! –, de bons camarades, ou de bons potes, on fait tout pour qu’ils ne soient pas empoisonnés.
À propos du travail du sol, la taupe, qui a mauvaise réputation – et pourtant ! –,…
Mme Aline Archimbaud. Ah oui !
M. Joël Labbé.… véritable mineur de fond des sols, joue, elle aussi, un rôle essentiel dans la vie des sols.
Pour l’instant, je n’ai rien lu au sujet de la disparition des taupes, mais je sais que les vers de terre constituent 80 % de sa nourriture. Les taupes sont donc, elles aussi, forcément touchées. Tout cela donne le vertige, monsieur le ministre !
Le sol, la vie même du sol, est mis à mal. Lors d’un colloque organisé à la fin de l’année dernière à l’Assemblée nationale à l’occasion de la Journée mondiale des sols, on a pu constater à quel point les sols avaient perdu de leur fertilité à l’échelle mondiale.
On parle de la qualité de l’eau, qui, on le sait, va mal. On parle aussi de la qualité de l’air qui, on le sait, va mal. Mais on oublie la qualité du sol qui va très mal. Aussi, il va falloir faire quelque chose, et de manière globale. Sinon, dans quel état allons-nous laisser cette terre pourtant nourricière qu’est le sol ?
Lors de la journée mondiale précitée, j’ai entendu cette superbe formule : « La vie fait le sol … et le sol fait la vie. » Alors, faisons en sorte que cesse le massacre !
Je n’ai pas le temps d’évoquer la conférence internationale sur le climat, mais je tiens à dire que la fixation du carbone dans les sols ne peut se faire qu’à condition de maintenir ceux-ci vivants. Il faut donc arrêter de les empoisonner.
Je pèse mes mots, et j’accuse !
Enfin, s’il était encore besoin d’en rajouter à ce plaidoyer à charge, je rappelle que plusieurs espèces d’invertébrés aquatiques sont également touchées.
Voilà pour les études, monsieur le ministre. On peut encore en commander des tonnes. Mais dans quel but ? Attendre ? Attendre toujours et encore ?…
Bien sûr, il serait difficile de croire que tout se passe silencieusement, sans aucune incidence sur la santé humaine ; ma collègue Aline Archimbaud évoquera cette question ultérieurement.
Pour ma part, j’en viens maintenant aux motivations économiques de la présente proposition de résolution.
En ces temps difficiles que traverse notre économie, on entend dire : « l’environnement, les petites bêtes et les petites fleurs, c’est bien joli, mais il faut nourrir les populations de la planète et penser à l’emploi ! » C’est le grand discours classique que tient ce qu’on dénomme la« profession », en particulier son grand maître incontesté et incontournable, que certains appellent le« ministre de l’agriculture bis » !– ça ne me plairait pas, monsieur le ministre ! – et, bien sûr, les firmes regroupées derrière l’UIPP, l’Union des industries de la protection des plantes, dont certains représentants sont peut-être dans les tribunes. Mais quelle protection des plantes, quelle protection des sols, quelle protection de la vie apportent-ils ?
Pourtant, pour parler économie, la valeur économique de la pollinisation a été estimée à 153 milliards d’euros par an. La seule Europe affiche un déficit de 13,4 millions de colonies d’abeilles. En France, comme en Allemagne, moins de 50 % des colonies nécessaires à la pollinisation sont encore présentes.
Pour ce qui concerne la valeur économique que représente la vie du sol agricole, celle qui fait sa fertilité renouvelable, à l’infini si on la respecte, elle est inestimable, même si je ne dispose pas encore des chiffres : à terme, elle sera équivalente au poids économique de l’ensemble de l’agriculture mondiale. N’allez pas imaginer que l’on pourra nourrir la planète en 2050 en se passant du sol : ce serait une folie !
À la fin de l’année dernière, de cette tribune, je vous avais fait une proposition cash, un peu à la volée, monsieur le ministre : faire réaliser une étude complète et chiffrée mesurant précisément – écoutez bien et notez-le ! – les coûts des externalités négatives de l’agriculture productiviste et les bénéfices chiffrés en termes de services rendus par les aménités apportées par les agricultures alternatives, notamment, l’agriculture biologique, dont on parle beaucoup trop peu.
M. Jean-Vincent Placé. Exactement !
M. Joël Labbé. Aujourd’hui, je vous le demande solennellement du haut de cette même tribune ! La population française, mais également européenne, doit pouvoir choisir l’agriculture qu’elle souhaite voir développer pour la soutenir, en vue de permettre la véritable transition tant attendue.
Je dirai maintenant quelques mots du nouveau plan Écophyto. Même si de petites choses sont bonnes, le premier plan est une catastrophe. Il s’agit d’un acte manqué. Quoi qu’il en soit, de bonnes intentions président à l’élaboration du deuxième plan. Mais si nous ne sommes pas aujourd’hui capables d’envoyer un premier signe en adoptant cette proposition de résolution, nous nous placerions déjà dans le renoncement !
Je retiendrai la citation d’André Pochon,…
M. Bruno Sido. Qui est-ce ?
M. Michel Le Scouarnec. Un agriculteur des Côtes-d’Armor !
M. Joël Labbé. Je vous invite à lire ce qu’il a écrit, monsieur Sido ! C’est un paysan, un vrai paysan !
Cette citation a été mise en avant dans le rapport de Dominique Potier : « Comment se fait-il donc que l’agriculture dite ″moderne″ ait oublié à ce point les règles élémentaires de l’agronomie ? Comment se fait-il qu’elle ait tourné le dos à une agriculture ″durable″, qui préserve l’avenir des hommes et de la terre sans sacrifier le présent ? » Tout est dit ! Il est tard, mais pas trop tard. En revanche, en 2025, ce sera trop tard !
Je vous l’ai annoncé, je prendrai quelques minutes, madame la présidente, pour aborder le volet spirituel.
Plusieurs sénateurs UMP. Ah !
M. Joël Labbé. À la fin du siècle dernier, on paraphrasait souvent– c’est de moins en moins le cas ! – ce grand visionnaire qu’était André Malraux en disant : « Le XXIe siècle sera spirituel, ou ne sera pas. » On est au XXIe siècle, depuis déjà quinze ans, et le spirituel tarde à venir !
Le spirituel, que l’on soit croyant, athée ou agnostique– une qualification qui me convient –, mène vers le respect des équilibres naturels dans cette magnifique alchimie qui fait les équilibres de la vie.
À cet égard, je me référerai à une autre belle pensée contemporaine, celle d’Hubert Reeves.
Mme la présidente. Il va falloir conclure, mon cher collègue !
M. Bruno Sido. Allez-y !
M. Jean Desessard.On vous écoute, mon cher collègue !
M. Joël Labbé. Hubert Reeves a déclaré : « L’homme est l’espèce la plus insensée, il vénère un dieu invisible et massacre une nature visible ! Sans savoir que cette nature qu’il massacre est ce dieu invisible qu’il vénère. »
Voilà pour le volet spirituel.
Permettez-moi, en conclusion, d’aborder le volet politique.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Joël Labbé. Je ne saurais terminer mon intervention sans parler de politique. (Exclamations narquoises sur certaines travées de l’UMP.) Ricanez si vous voulez, cela ne m’empêchera pas de poursuivre mon propos !
Nous ne pourrons pas réussir notre transition, qu’elle soit climatique, écologique, agricole ou énergétique, sans réussir la transition politique. Or, là, nous avons du boulot !
Je vous ai dérangés…
M. François Bonhomme. Mais non !
M. Joël Labbé. Je sais que j’ai dérangé un certain nombre de mes collègues, en demandant un scrutin public sur cette proposition de résolution. Mais je veux que chacun vote en son âme et conscience. Vous l’aurez compris, c’est ma conscience qui me pousse à parler. Moi, je suis gêné par ma propre conscience : on ne peut laisser les choses en l’état, je le crierai ou, plutôt, je le dirai de plus en plus fort.
Monsieur le ministre, j’attends – je l’espère encore ! – que ce texte recueille au moins un avis de sagesse, avant que l’assemblée des sages ne se prononce. Moi, je vous apprécie et je vous respecte. En revanche, l’esprit qui règne dans cette maison commence à me déranger.(Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Il y a des symboles. Parfois, il faut poser des actes, madame la présidente. La cravate est obligatoire ici…
M. Henri de Raincourt. Heureusement !
M. Joël Labbé. J’ai fait des efforts, je n’avais pas l’habitude de la porter en arrivant au Sénat. Mais aujourd’hui, je ne me reconnais plus dans l’esprit qui règne actuellement au Sénat. Et la cravate, je vais la tomber ! Je ne la porterai plus ici ! (M. Joël Labbé joint le geste à la parole.)
M. François Bonhomme. Il faut la couper !
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous pouvez poursuivre si vous le désirez, mais votre temps de parole sera imputé sur celui de votre groupe.
M. Joël Labbé. Je tiens à ce que mes collègues puissent s’exprimer à leur tour, madame la présidente! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. La cravate est obligatoire ! Rappel au règlement !
M. JoëlLabbé. Quant à vous, qui siégez sur les travées de l’UMP, vous pouvez continuer de ricaner !
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Intervention d’Aline Archimbaud, sénatrice EELV de Seine-Saint-Denis / Discussion générale
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Notre collègue Joël Labbé s’est forgé depuis le début de son mandat une expertise sur les questions agricoles. Son combat inlassable et crucial pour la protection des insectes pollinisateurs est connu de vous toutes et tous. Son intervention, à l’instant, l’a encore démontré. Notre groupe soutient, bien évidemment, et totalement, l’ensemble de sa démarche, que je tiens à compléter d’un point de vue sanitaire.
Car si l’impact dramatique des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs, les macro-invertébrés et les oiseaux ne peut plus être nié – ni les dangers terribles qu’ils font donc courir à la pollinisation et donc à toute la production agricole -, nous savons à présent que les risques graves que cette famille d’insecticide constitue sur la santé humaine ne peuvent par ailleurs plus être exclus.
En effet, dans un communiqué du 17 décembre 2013, l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déclaré que « deux insecticides néonicotinoïdes – l’acétamipride et l’imidaclopride – peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain ». Elle a ainsi « constaté que ces deux produits peuvent affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l’apprentissage et la mémoire. »
Déjà en 2012, une étude conduite par les chercheurs Komuta et Kuroda sur des rats avait suggéré que les néonicotinoïdes pourraient affecter défavorablement la santé humaine, spécialement, là encore, le développement du cerveau.
Sur cette base, l’agence canadienne de réglementation sur la lutte antiparasitaire (ARLA) a classé en 2013 la clothianidine, le thiaclopride et le thiaméthoxam – 3 néonicotinoides – comme perturbateurs endocriniens potentiels. L’agence pour la protection de l’environnement des États-Unis (US EPA) avait déjà classé en 2004 le thiaclopride comme cancérigène probable.
Le Parlement néerlandais, sur la base des études montrant l’impact des néonicotinoïdes sur la mortalité élevée des abeilles et l’apparition de lésions cérébrales chez les enfants, a quant à lui invité le gouvernement néerlandais à adopter un moratoire sur tous les néonicotinoïdes jusqu’à ce qu’il soit établi que les néonicotinoïdes n’ont pas un effet néfaste sur les abeilles et la santé humaine.
C’est justement ce que propose le texte que vous avez sous les yeux. Qui constitue une simple proposition de prise de position, extrêmement modérée au vu des enjeux. Cette résolution, c’est pour nous le minimum vital.
Ayons en effet bien à l’esprit que si ces pesticides sont cancérigènes, l’étude rendue publique en juin 2013 par l’association générations future doit nous préoccuper. Car après avoir recherché les 5 principaux néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride, thiamétoxam, thiaclopride, acétamipride) dans des aliments végétaux courants non concernés par les restrictions récentes d’usage de ces insecticides, ils ont en effet constaté que les aliments testés contiennent, à des degrés divers, mais fréquemment, des résidus de néonicotinoïdes. Certaines Limites Maximales en Résidus (LMR) ont été largement dépassées, et un usage interdit d’un néonicotinoïdes a même été mis en évidence sur un échantillon de fraises. Au total, c’est 45% des échantillons de courgettes testées qui contenaient des résidus de néonicotinoïdes, et pas moins de 80% des échantillons de thés.
Cher-e-s collègues,
En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, ce à quoi nous sommes clairement confrontés en l’espèce, le principe de précaution nous indique que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives.
Il y a deux mois, nous étions quasiment tous d’accord sur le constat de la nocivité des particules fines émises par les gaz d’échappement automobile, même si avons échoué, pour des raisons difficilement compréhensibles, à trouver ici une majorité pour voter des mesures concrètes visant à maîtriser leurs émissions.
Alors rassemblons-nous cette fois-ci, sur un sujet sanitaire et environnemental tout aussi préoccupant, pour au moins faire un constat. Pour lancer une alerte.
Parce que les études scientifiques sont extrêmement préoccupantes,
Parce qu’il ne s’agit pas encore de se mettre d’accord sur des mesures concrètes mais au moins d’adresser, de la part du Sénat Français, une alerte à l’Europe,
Parce que, dans l’atelier « santé environnement » de la conférence environnementale de novembre 2014, auquel je participais, le paragraphe 44 soulignait la dangerosité des néonicotinoïdes
Parce que dans son discours de clôture de cette même conférence, le Président de la République a annoncé en novembre, à l’occasion de la conférence environnementale, vouloir aller « plus loin » dans leur interdiction et que c’est exactement ce que nous souhaitons ici encourager.
Chers collègues,
Il est scandaleux que pendant des décennies, la réglementation sur les pesticides ait été basée sur des études de toxicité financées par l’industrie et que le travail de scientifiques indépendants n’était généralement pas recherché ni pris en compte.
Scandaleux que, bien que les législateurs européens aient récemment commencé à exiger de l’industrie d’identifier et d’évaluer toutes les données disponibles lors des évaluations des risques obligatoires avant la mise en marché de tous les pesticides, seuls un peu plus de 20% le soient effectivement. Bien évidemment les plus rassurantes.
Scandaleux que la Caraïbe subisse aujourd’hui les conséquences du drame sanitaire et environnemental du chlordécone, et que cela ne nous ait pas servi de leçon.
Il serait scandaleux qu’alors que 1483 médecins de France métropolitaine et des Antilles ont lancé une alerte sur les pesticides en général – après avoir constaté une augmentation des troubles de la fertilité et des troubles neurologiques sur leurs patients exposés (agriculteurs, enfants d’agriculteurs, riverains des champs concernés) -, le Sénat ne soit pas en mesure d’alerter sur les plus dangereux d’entre eux !
Cette proposition de résolution ne constituerait qu’une première étape encourageante et indispensable. Le Sénat jouerait alors par cette prise de position son rôle d’avant-garde éclairée. Il prouverait son utilité et son sens de la responsabilité.
Nous ne pouvons pas, collectivement, faire moins que cette résolution.
Nous ne pouvons pas continuer à placer les intérêts économiques privés avant la santé de nos concitoyens, sinon il ne faudra pas s’étonner de la défiance croissante des citoyens à l’égard des politiques. On voit en ce moment même combien cette perte massive de confiance vis-à-vis de l’action politique favorise la montée d’extrémisme très dangereux pour la République.
Chers collègues, nous comptons sur vous et sur votre engagement pour l’intérêt général.
DANS LA PRESSE
PUBLIC SÉNAT
Mercredi 4 février 2015
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MÉDIAPART
16 février 2015
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GÉNÉRATIONS FUTURES
Mars 2015
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TEXTE REJETER / RÉSULTAT DU SCRUTIN > Voir
Nombre de votants : 337
Suffrages exprimés : 312
Pour : 64
Contre : 248
Communiqué du Groupe écologiste du Sénat
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION RELATIVE À LA PRÉSERVATION DES INSECTES POLLINISATEURS, DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA SANTÉ
Pour un moratoire européen sur les néonicotinoïdes
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Bonjour a vous et bravo Joèl et ton équipe!
J’en suis tout retourné, ton discours, tes émotions reflètent très bien ce que l’on vit sur le terrain, que ce soit en collectivités ou agricoles.
Comment parler aux grands élus pour qu’ils soient sensibilisés? ( sachant que la plupart ont perdu le lien au sol)
Comment les rendre Humains?
Peut être devrait on plus associer les études des scientifiques avec le présent en démontrant les corrélations, pas facile car les pesticides c’est super nébuleux, mais quand même les faits prouvent leurs responsabilités depuis 50 ans au moins!
Pierre, un abimé, comme la biodiversité, par ces produits qui tuent….