14e législature / Question écrite
> publiée dans le JO Sénat du 11/06/2015
M. Joël Labbé attire l’attention de M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur la possibilité de lever les contraintes pesant sur l’activité de transport de marchandises par des navires traditionnels armés en navires à utilisation commerciale (NUC).
Basés sur une expérience acquise grâce à ceux que l’on appelle des « vieux gréements », se dessinent en France et ailleurs dans le monde des projets de « cargos-voiliers ». Ces projets redonnent, en ce siècle, à la propulsion à la voile une pertinence pour le transport maritime décarboné. Ces « vieux gréements », expression à laquelle les marins préfèrent celle de « voiliers de travail », ont permis, depuis quelques années et en ce moment même, le transport de plusieurs centaines de tonnes de marchandises sur des centaines, voire des milliers de milles nautiques. Ils permettent aujourd’hui de développer des stratégies commerciales innovantes et d’envisager des réseaux et infrastructures adaptés à un transport dont le coût rapporté au prix final des produits reste marginal. Grâce à ce marché naissant de produits « transportés à la voile », des phases de développement ambitieuses et notamment la construction d’unités modernes sont envisagées.
D’ores et déjà, ces navigations « à la charge » ont un impact environnemental positif non-négligeable (plusieurs dizaines de tonnes de dioxyde de carbone économisées) et permettent d’allonger les saisons d’exploitation en faisant naviguer loin et longtemps des navires dont l’équilibre économique est souvent incertain. Des routes en transatlantique ou jusqu’au Danemark sont, aujourd’hui, d’ores et déjà assurées à la voile par des voiliers battants pavillon étranger ; ceux de ces « voiliers de travail » qui battent notre pavillon se retrouvent souvent cantonnés à une activité de plaisance du fait d’une réglementation inadaptée.
La réglementation maritime en matière de sécurité, telle qu’issue de l’article L. 5241-3 du code des transports, du décret n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l’habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution (modifié) et de l’arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires (modifié), offre différents régimes juridiques en fonction du type d’exploitation du navire. Or, les dispositions relatives à un armement en navire de charge sont lourdes et coûteuses, de plus les prescriptions techniques ont, depuis longtemps, abandonné toute référence à la navigation à la voile. Il est ainsi particulièrement difficile d’assurer la viabilité économique d’un projet d’armement d’un navire traditionnel existant à la charge. Seul un armement en navire à utilisation commerciale (NUC) reste à ces navires pour une exploitation de type touristique et patrimonial. Or ce statut (division 241, 242) porte une restriction générale de transporter tout type de cargaison : (article 241-1.01) : « Aucun navire visé par la présente division ne transporte de cargaison, hormis son avitaillement, les rechanges nécessaires à son exploitation, et les bagages des personnes embarquées ».
Cette réglementation est appliquée, sauf exception, à la lettre par les affaires maritimes françaises, à la différence de leurs homologues britanniques qui n’hésitent pas à accorder des permis dérogatoires à certains navires pour effectuer, à titre accessoire, le transport de marchandises.
À l’occasion de la réécriture de la division 241, actuellement en cours, il lui demande donc s’il est possible de prévoir un réexamen de ces dispositions, avec une considération particulière pour le développement d’une activité de transport de marchandises par des « voiliers de travail » armés en NUC, soit en effaçant la disposition, soit en donnant à l’administration le cadre réglementaire lui permettant d’accorder à ces navires les autorisations idoines.
Réponse du Secrétariat d’État
Le décret 84-810 du 30 août 1984 modifié relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à l’habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution, et le règlement annexé à l’arrêté du 23 novembre 1987 permettent la délivrance de titres de sécurité pour des navires à voile. Le pavillon français comporte d’ailleurs plusieurs navires de commerce à voile. Ces conditions sont encadrées afin d’obtenir un niveau de sécurité équivalent à une propulsion mécanique. La règlementation en vigueur permet donc actuellement de réaliser du transport de marchandise sur des navires de charge à voile (division 222 du règlement annexé à l’arrêté du 23 novembre 1987). Cependant, elle ne l’autorise pas pour des navires traditionnels. Or, certaines sociétés souhaitent affréter des navires de construction traditionnelle de type « vieux grééments », qui sont traités spécifiquement par la division 244 du règlement annexé à l’arrêté du 23 novembre 1987. Cette division interdit actuellement le transport de cargaison. Au vu de ces nouvelles demandes de la part d’exploitants de navire, les services du ministère vont étudier les conditions dans lesquelles il pourrait être procédé à des modifications de la règlementation applicable aux navires de construction traditionnelle. Toutefois, ces évolutions devront respecter le droit international (Convention SOLAS relative à la sauvegarde de la vie humaine en mer), qui prévoit qu’un navire de charge ne puisse transporter plus de 12 passagers. D’autre part, des exigences particulières relatives à la stabilité, l’assujettissement de la cargaison, la détection incendie et la nature de la cargaison, seront étudiées pour un nouveau cadre règlementaire qui garantisse un niveau de sécurité habituel satisfaisant.