L’INFO DURABLE – 04/09/2018 – Par Emmanuelle Vibert
Introduire plus de bio à la cantine : voilà l’objectif de nombreux parents d’élèves. Le point sur la question et sur les actions citoyennes en cours.
La rentrée des classes est aussi celle des cantines, avec les longues tablées bruyantes, et les verres qu’on retourne pour savoir quel âge on a… Et au-delà du joyeux chahut qui y règne souvent, les cantines de nos enfants concentrent des enjeux publics cruciaux. Dans leurs assiettes, il est question de betteraves et de purée, mais encore de santé publique et de développement de l’agriculture biologique en France. Alors où en est-on du bio dans les cantines ? On fait le point et on vous donne des pistes pour encourager vos élus à servir des plateaux toujours plus sains et bio à la cantine.
Pourquoi ça compte ?
« De la maternelle au lycée, deux enfants sur trois en moyenne déjeunent à la cantine au moins une fois par semaine, soit un total de plus de 7 millions de demi-pensionnaires », nous rappelle Sandra Franrenet dans Le livre noir des cantines scolaires (qui vient de paraître chez Leduc.s Editions, 18 €). Ces millions d’êtres humains en pleine croissance y sont trop souvent nourris de façon déséquilibrée, trop sucrée, avec des aliments transformés peu appétissants, souligne la journaliste. Mais comme le montrent de plus en plus de contre exemples, on peut aussi y éduquer les enfants au goût et à la nutrition.
Et en convertissant ces restaurants collectifs au bio, local et orienté commerce équitable, on crée un cercle vertueux. Les cantines deviennent des leviers permettant à des agriculteurs de se convertir au bio sur des bases solides, en trouvant des débouchés réguliers près de chez eux.
Un tournant législatif à ne pas rater
20 % de bio dans les cantines… Depuis le Grenelle de l’environnement en 2008, c’est un serpent de mer. Le gouvernement avait fixé à l’époque cet objectif à atteindre pour 2012. L’ambition politique n’a pas tenu. Elle a de nouveau été votée en 2016 par l’Assemblée Nationale, mais a aussitôt été enterrée par les sénateurs. Et en juin dernier, après des mois de débats et de suspens, le Parlement au complet a introduit dans la loi sur l’Alimentation l’objectif de 20 % de bio dans les cantines d’ici à 2022. On y va cette fois ?
Où en est-on vraiment ?
Sans attendre le vote d’une loi, de nombreuses collectivités locales sont passées à l’action. Citons deux exemples parmi tant d’autres. Grande-Synthe (Nord) est passée de 20 % à 100 % de bio en 2011. A Bordeaux, 30 % des assiettes sont composées de produits issus de l’agriculture biologique cette année. Selon l’observatoire national des produits biologiques en restauration collective, mis en place au sein de l’Agence bio (qui représente le gouvernement), le bio était présent en 2017 dans 8 restaurants scolaires sur 10. Cet observatoire ne précise cependant pas à quel niveau de pourcentage de produits bio dans les approvisionnements on se situe aujourd’hui.
Est-ce que c’est jouable ?
Dans une tribune parue dans Libération en juin dernier, en plein débat au Parlement sur la question, le sénateur écolo du Morbihan Joël Labbé argumente pour rabattre le caquet de ceux qui pensent qu’imposer le bio dans les cantines, ça ne marchera jamais. Manger bio serait plus cher et porterait atteinte aux budgets des collectivités comme au porte-monnaie des familles. C’est faux, affirme le sénateur. En 2017, l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable, créé par l’association Un Plus Bio (une association présidée par Gilles Pérole, également adjoint au maire de Mouans-Sartoux, une commune de 10 000 habitants dans les Alpes Maritimes où la cantine est 100 % bio) a démontré que les collectivités locales engagées dans des menus composés pour 20 % de produits bio font face à un coût matière de 1,80 €. Oui, un repas à 20 % bio servi à la cantine coûte moins de deux euros hors taxe, lorsqu’un repas conventionnel est estimé entre 1,50 et 2,00 € (source Agores). Pour maîtriser les coûts, il suffit de faire évoluer ses pratiques d’achat, réduire le gaspillage alimentaire et composer de nouveaux menus…
Un guide pour les parents qui veulent changer la donne
Vous voulez arrêter de râler et passer à l’action en incitant vos élus à transformer la cantine de vos enfants ? L’association Un plus Bio édite un guide très pratique et complet pour vous accompagner dans cette mobilisation citoyenne essentielle. Il débute par ces mots, à glisser dans les mains de tous les élus parents d’élèves dès la prochaine réunion : « Chez les parents, passer au bio demande de l’envie et de la patience, chez les élus, de la volonté politique, et dans les services ou en cuisine, de l’enthousiasme. Ce guide pratique, à l’usage des parents, basé sur la longue expérience de l’association Un Plus Bio au plus près des collectifs, démontre en quoi une action bien réfléchie peut aboutir à des miracles et bousculer nos vieilles habitudes qui limitent encore bien souvent le plaisir à table dans les cantines. »
Une pétition à signer
La Fondation pour la Nature et pour l’Homme (FNH) vient de lancer une action baptisée Let’s Bio. Son idée ? Réclamer au gouvernement la mise en place d’une aide forfaitaire de 20 € par an et par enfant pour accompagner la transition vers des pratiques vertueuses. Elle permettrait par exemple de « former les cuisiniers de collectivités à de nouvelles pratiques (nouveaux modes de cuisson, travail des protéines végétales, lutte contre le gaspillage, économies d’énergie…) » ou encore de « financer directement le surcoût à l’achat de produits de qualité, biologiques et locaux ». La FNH est à l’origine d’une pétition pour faire inscrire ce bonus cantine bio et locale dans le projet de loi de finances 2019.