PROJET DE LOI
mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement
Mercredi 8 novembre 2017, le Sénat a adopté en première lecture, par 190 voix pour et 141 voix contre (voir les résultats du scrutin public), le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.
Ce projet de loi vise à :
- amorcer la sortie progressive de la production d’hydrocarbures sur le territoire français à l’horizon 2040, en n’attribuant plus de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures et en ne prolongeant pas les concessions d’exploitation existantes au-delà de 2040 ;
- interdire l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste et de l’ensemble des hydrocarbures non conventionnels ;
- autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions concernant la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel des consommateurs français ;
- sécuriser le dispositif du contrat unique de fourniture et de distribution de gaz ou d’électricité.
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Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, écologiste rattaché au groupe du RDSE – et bien intégré en son sein, je tiens à le préciser –, c’est avec plaisir que j’interviens en son nom sur ce projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. Ce texte nous permet de porter nos regards vers 2040, c’est-à-dire vers le moyen et le long terme. De tels textes sont trop rares.
Comme vous, monsieur le ministre d’État, je tiens à souligner combien il est symbolique que les Îles Fidji, directement menacées par le dérèglement climatique, président la COP23. Sur la seule année 2016, selon une étude publiée par Oxfam, 23,5 millions de personnes auront été déplacées. Et le phénomène va continuer !
Deux ans déjà se sont écoulés après l’accord historique de la COP21. N’oublions pas la barrière des 2 degrés qui va être difficile à tenir. Pour y parvenir, il est scientifiquement avéré que 80 % des ressources carbonées doivent rester dans le sous-sol. La bataille contre les émissions de carbone, loin d’être gagnée, est engagée. Nous avons le devoir de l’emporter !
Nous devons parvenir à stabiliser, puis à réduire rapidement, les émissions de gaz à effet de serre. Certains scientifiques estiment qu’il faudrait, pour avoir une chance de succès, atteindre l’inversion de la courbe dès 2020.
Nous possédons déjà l’ensemble des technologies qui nous permettront de faire face aux enjeux : les énergies renouvelables et le développement des économies d’énergie, l’économie circulaire, les transports décarbonés… On en parle trop peu, car tout chez nous est segmenté, mais j’ajouterai aussi l’agriculture, dont l’impact carbone peut – et doit – devenir positif pour le climat. Sur ce dernier point, je vais être quelque peu hors sujet, tout en restant dans le sujet. (Sourires.)
Lors de l’examen du texte relatif à la transition énergétique, lequel portait aussi notre regard au-delà de la prochaine décennie, le groupe écologiste a introduit dans la stratégie bas-carbone la notion de 4 pour 1000 en agriculture, sur des bases scientifiques, devenue, lors de la COP21, un projet de recherche internationale.
Quel est ce mécanisme ? Si nous parvenons à accroître le stockage naturel du carbone atmosphérique dans les sols de seulement 4 pour 1000, soit 0,4 % par an, nous pouvons stocker l’équivalent carbone des émissions totales annuelles de l’Humanité. Il s’agit d’un levier extrêmement puissant permettant d’atteindre plus rapidement l’inversion de la courbe des émissions pendant la phase de transition qui nous conduira vers une économie décarbonée. Je souhaitais rappeler cette avancée, qui permet de considérer l’agriculture comme un atout dans la lutte contre le changement climatique et non plus comme un problème.
Cette initiative internationale, si elle est poursuivie et menée à son terme, doit permettre de concilier les objectifs de sécurité alimentaire – essentiels – et de lutte contre les changements climatiques en soutenant de meilleures pratiques agroécologiques, dont l’agriculture biologique, respectueuses des équilibres environnementaux, de la biodiversité et de la vie du sol, biomasse d’une extraordinaire richesse. Pour y parvenir, il faudra non seulement une directive européenne visant à la préservation des sols, mais aussi une convention internationale. Il faudra, enfin, sortir les productions alimentaires du grand marché mondial.
J’en viens au fond de ce texte, dont tout le monde souligne la portée symbolique, la France ne produisant que 1 % des hydrocarbures qu’elle consomme. Mais il s’agit ici de montrer l’exemple, et nous vous rejoignons, monsieur le ministre d’État, en renonçant à exploiter nos richesses énergétiques fossiles et en nous concentrant vers les ressources d’avenir.
Certains ont pointé une incohérence : si nous devons nous priver d’exploiter nos propres ressources et que, dans le même temps, nous importons des combustibles fossiles dont le bilan carbone est moins bon, nous aurons raté notre objectif. Il faudra donc être vigilant sur ces questions, notamment dans le cadre du CETA.
L’amendement de la commission du développement durable, qui visait à apporter une réponse à cette problématique n’a pas fait long feu lors de son examen en commission, ce matin. Nous pourrons toutefois en discuter de nouveau cet après-midi.
La version de ce texte issue des travaux de l’Assemblée nationale était très modérée ; celle de notre commission des affaires économiques est, hélas ! plus que timorée.
Je relèverai deux points majeurs : les importations d’hydrocarbures issus des sables bitumineux et celles de biocarburants issus de l’huile de palme dont l’effet sur le climat est trois fois pire que le gazole, issu du pétrole. Il va falloir apporter une réponse à ces deux questions.
J’espère, mes chers collègues, que nous saurons revenir à un texte plus ambitieux qui puisse servir d’exemple à travers le monde et renforcer la position de la France dans la diplomatie climatique, aujourd’hui toujours plus cruciale pour l’avenir de l’Humanité.
Notre groupe, après un riche débat ce matin, a décidé de s’abstenir à moins que nous soyons, avec mon collègue Ronan Dantec et nos autres collègues du RDSE, suffisamment vaillants pour faire adopter nos amendements et que la force de persuasion de M. le ministre d’État nous permette de l’emporter. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
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