Proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture

Dans le cadre d’un ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain, le Sénat a examiné la proposition de résolution, visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture. Cette proposition de résolution était présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Henri CABANEL (Socialiste et républicain – Hérault), Didier GUILLAUME (Socialiste et républicain – Drôme), Franck MONTAUGÉ (Socialiste et républicain – Gers) et plusieurs de leurs collègues.

Face à la crise de l’agriculture française, les auteurs de cette proposition de résolution estiment que des mesures doivent être prises pour développer des mécanismes de gestion des risques économiques en agriculture. Ils invitent en particulier le gouvernement à agir au niveau européen, dans le cadre des réflexions menées sur la PAC d’après 2020, pour construire un système de mutualisation du risque économique en agriculture visant la stabilisation et la garantie des revenus. Ils souhaitent que la France porte cette proposition lors de la prochaine réunion du Comité de l’agriculture de l’OCDE, les 7 et 8 avril 2016 à Paris.

 En séance publique, le Sénat a adopté ce texte à l’unanimité par 177 voix pour et 0 voix contre (voir les résultats du scrutin public).
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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le soutien de l’agriculture française mobilise, une fois de plus, notre hémicycle. La grave crise que celle-ci traverse touche l’ensemble des territoires et ne laisse indifférents ni les élus ni l’ensemble de nos concitoyens.

Cette résolution, qui nous occupe aujourd’hui, vise à compléter les dispositifs assurantiels existants de gestion des risques agricoles.

Ces dispositifs sont actuellement de trois ordres : l’assurance récolte, dont le Gouvernement essaie de renforcer l’attractivité ; la dotation pour aléas, également renforcée par le Gouvernement ; enfin, le Fonds national de gestion des risques en agriculture, qui a vocation à répondre aux besoins en cas d’événement catastrophique.

La proposition de résolution requiert qu’on lui adjoigne un système global européen de sécurisation de l’aléa économique, complémentaire des aides de la politique agricole commune actuelle. Cela permettrait de faire face aux variations brutales des cours inhérentes aux marchés mondialisés, parfois sujets à une scandaleuse spéculation sur les matières premières agricoles.

Selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, pour 100 euros d’achat alimentaire sur le marché, quelque 8,20 euros seulement reviennent à l’agriculture, 13,20 euros aux industries agroalimentaires, 19,20 euros au commerce, 14,30 euros aux importations alimentaires, 15,30 euros aux importations de biens intermédiaires comme l’alimentation animale, les engrais ou les pesticides et, enfin, 9,30 euros aux taxes.

Je le redis : sur 100 euros de dépense alimentaire, seulement 8,20 euros reviennent à l’agriculture !

En 2014, la moyenne des revenus d’une exploitation française, avant impôts et hors subventions, était de 600 euros pour l’année, quand la subvention totale moyenne par bénéficiaire s’élevait à 34 500 euros ! On comprend alors que, d’une certaine manière, nos agriculteurs français sont devenus des salariés de l’Europe et que, quand les marchés mondiaux toussent, c’est l’ensemble d’une filière qui s’enrhume.

Tout cela ne doit pas occulter de très fortes disparités au sein même de chaque filière. Les aides sont ainsi faites que les plus grosses exploitations en captent la plus grande part et sont, de ce fait, artificiellement plus rentables. Aussi, les aides devraient s’appuyer sur les UTH, les unités de travail humain – bien nommées –, plutôt que sur le nombre d’hectares.

L’intention de cette proposition est louable, elle est réaliste et pragmatique, mais elle me dérange, dans le sens où elle s’adapte à un système qui est, lui-même, à remettre en cause en profondeur. Cependant, je voterai en sa faveur, avec les réserves suivantes.

Cette proposition de résolution s’inscrit dans un cadre où les outils de régulation ont été abandonnés. Or la régulation tant européenne que mondiale devra être remise en perspective. L’alimentation n’est pas une marchandise comme les autres, et il est inacceptable que les denrées alimentaires soient cotées en bourse et fassent l’objet de spéculations.

Je citerai, moi aussi, l’élu écologiste François Dufour, ancien vice-président de la région Basse-Normandie en charge de l’agriculture – mon collègue Michel Le Scouarnec et moi avons les mêmes lectures et sources d’inspiration… (Sourires.) Alors que les productions agricoles atteignent des rendements record, le monde agricole est en grande souffrance.

Aujourd’hui, au nom de la concurrence libre et non faussée, les États ont abandonné leurs pouvoirs et leurs agriculteurs aux marchés, au risque de perdre leur souveraineté alimentaire, leurs équilibres territoriaux et les solidarités entre les peuples.

On ne pourra pas s’en sortir si on n’élabore pas de nouvelles règles au niveau européen, mais aussi au niveau planétaire. À ce sujet, la perspective du traité transatlantique est une catastrophe, déjà annoncée, pour une majeure partie de nos productions. Évidemment, nous nous y opposerons !

La stabilité, dont a besoin l’agriculture, nécessite de maitriser les volumes de production et, au besoin, de prendre des mesures de réduction de production. Ce qui est, tout de même, un paradoxe, si cette réduction est l’un des bénéfices de la transition vers une agriculture respectueuse du sol, du climat, de l’humain et des équilibres environnementaux. Et cela existe déjà, nous en avons débattu : il s’agit de l’agriculture biologique. C’est aussi le but de cette noble cause que vous avez mise en avant, monsieur le ministre : l’agroécologie.

En polyculture avec des rotations, la baisse de rendement entre le bio et le conventionnel est de seulement 9 %, selon la métaétude dirigée par Claire Kremen, professeur de sciences de l’environnement à l’université de Californie et codirectrice du Berkeley Food Institute.

Toutefois, la rentabilité économique est, quant à elle, supérieure à l’agriculture classique, sans même prendre en compte les aménités environnementales. Et, si l’on passe en polyculture-élevage, les rendements et la rentabilité sont encore supérieurs économiquement.

Plutôt qu’une énième assurance, nous devrons imaginer une façon de retrouver des prix rémunérateurs et approfondir encore l’idée d’une rétribution des aménités environnementales apportées par les agriculteurs.

Nous devons aussi parler des pesticides, qui sont sujets à débat actuellement… Eh bien, il va falloir les oublier ! Qu’ils soient herbicides, comme le glyphosate, ou insecticides, comme les néonicotinoïdes, ils seront, à mon sens, interdits à court terme. Il le faudra bien, et notre agriculture en vivra mieux !

Je conclurai par le cœur de ce qui constitue mon action politique sur ces questions : en agriculture, à bas la chimie et vive l’alchimie ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

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