L’HUMANITÉ – Par Marion d’Allard – 31/03/16
Un amendement à la loi de biodiversité, actuellement en discussion au Parlement, élargit le cadre du partage des semences entre agriculteurs.
C’est une petite victoire. Jusqu’alors, la réglementation obligeait les paysans à utiliser des graines certifiées, les empêchant de resemer ou d’échanger leurs semences avec un voisin. Sauf dans le cadre d’un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Un amendement à la loi de Biodiversité, déposé par les sénateurs CRC et voté en première lecture, fait sauter ce verrou. Rejeté par la suite en commission Développement durable, cet amendement a refait surface la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Réintroduit dans la loi, il a été voté par les députés en séance plénière. En clair, il est désormais permis aux « utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale » de vendre leurs semences (n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale, COV) « sans autorisation préalable » comme c’était le cas jusque-là. En ouvrant la porte à l’échange des semences, cet amendement marque aussi un pas de plus vers la diversification agricole en permettant la culture et la circulation de variétés anciennes, non inscrites au catalogue des géants du secteur.
Une fois n’est pas coutume dans le domaine agricole, les lobbys industriels et les grands semenciers n’auront donc pas eu le dernier mot. Leur tentative de faire retirer cet amendement du texte de loi avait pourtant été fructueuse au moment du passage devant la commission Développement durable, laquelle avait finalement retiré l’élargissement des possibilités d’échange et de partage des semences pour les recantonner au cadre des groupements d’intérêt économique et environnemental. Ces GIEE, créés par la loi d’avenir agricole de 2014, permettent aux agriculteurs de se regrouper autour d’un projet économique, environnemental et social commun. Mais concernant le partage des semences, le cantonnement aux cadres des GIEE apparaissait pour beaucoup trop restrictif, et laissait la part belle aux grands semenciers. « Mettons fin aux menées oligopolistiques qui imposent des semences stériles et fragiles, responsables de la perte de nos sols et de la biodiversité cultivée », avait ainsi plaidé au Sénat l’écologiste Joël Labbé.
Le parcours parlementaire du texte toujours pas achevé
La Confédération paysanne et le Réseau semences paysannes ont salué cette semaine l’introduction du « droit pour les agriculteurs d’échanger leurs semences au-delà des frontières étroites des GIEE », ajoutant tout de même que si l’Assemblée nationale avait « clairement précisé que la vente des semences aux jardiniers amateurs n’est pas soumise à une autorisation préalable », le Sénat, pour sa part, « ne s’était pas encore prononcé sur le sujet ».
Le parcours parlementaire du texte n’est pas encore achevé, mais il est peu probable que cet amendement, soutenu par la rapporteure socialiste Geneviève Gaillard, soit retiré de la loi biodiversité ayant été votée par les deux Chambres.
Une seconde lecture est prévue au Sénat au début du mois de mai. D’ici là, le Réseau semences paysannes l’assure : il « continuera son travail avec ses partenaires du collectif “Semons la biodiversité” pour confirmer et consolider ces avancées ».