Par Collectif
« Trois milliards d’euros sur trois ans pour retrouver la compétitivité perdue », c’est la nouvelle idée ubuesque du président de la FNSEA-SOFIPROTÉOL, Xavier Beulin, pour sauver l’élevage industriel français. François Hollande et son ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll céderont- ils à cette folie ? Se soumettre à cette exigence consisterait à perpétuer un marché de dupes au profit de quelques industriels, ne faisant que maintenir sous perfusion des filières agricoles françaises à bout de souffle qui prétendent conquérir un marché mondial non rémunérateur dans une situation géopolitique incontrôlée et incontrôlable.
Depuis son élection, ce gouvernement comme ceux qui l’ont précédé renoncent face aux jacqueries de la FNSEA plutôt que de construire une agriculture d’intérêt général, permettant de faire vivre convenablement les paysans et en phase avec les attentes des citoyens.
A contre-courant de la volonté des Français de consommer des produits issus d’une agriculture de qualité, de proximité, respectueuse de l’environnement, le lobby agricole a pilonné le gouvernement de revendications pour une agriculture toujours plus intensive au service de l’industrie agro-alimentaire. Méprisant les règles environnementales, son unique mot d’ordre est l’allégement des charges et des normes, rendues seules responsables de la non rentabilité d’un système de production industriel qui les emmène dans le mur.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2014, les éleveurs de porc peuvent multiplier par quatre leur cheptel sans que soit mesuré l’impact de telles extensions tant sur le plan social, environnemental ou sanitaire. De même, alors que la loi d’avenir agricole était discutée au Parlement, le ministre de l’agriculture a refusé de définir la dimension agricole d’une exploitation. Il a ainsi permis la construction de la ferme des 1 000 vaches dans la Somme.
Désormais de tels projets se multiplient sur le territoire. Ces initiatives doivent être traitées comme des projets industriels exclus du programme agricole. Ce sont des usines à viande, pas des fermes. Dans le même temps, Stéphane Le Foll feignait de promouvoir l’agro-écologie, système de production agricole basé sur le respect des écosystèmes qui s’oppose en tout point à l’agriculture industrielle soutenue par l’État.
Lors de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) en 2014, les mêmes lobbies ont fait échouer la proposition de plafonnement des aides européennes aux plus grosses exploitations à 100 000 euros. Ce non plafonnement favorise la concentration des exploitations et provoque l’élimination des petits paysans, remettant en cause la légitimité des aides à l’agriculture.
Cette PAC, qui répondait aux besoins de sécurité alimentaire d’après-guerre, devait bâtir une politique européenne de solidarité et d’égalité. Elle est devenue une politique du chacun pour soi et du toujours plus gros devant la faiblesse des États fascinés par l’agro-industrie.
Pourtant chaque français contribue à hauteur de 140 euros par an au colossal budget de 9,2 milliards d’euros pour soutenir une agriculture qui ne correspond ni à ses attentes, ni à ses besoins. La facture est d’autant plus lourde qu’il supporte aussi les coûts des dégâts sur l’environnement et la santé causés par cette agriculture. A titre d’exemple, payer sa facture d’eau c’est aussi payer pour rendre potable une eau polluée par les pesticides et les nitrates.
Réforme après réforme, les citoyens réclament une PAC qui protège, qui régule, qui réponde aux attentes de la société actuelle. Les modèles alternatifs, construits sur la proximité et la qualité, démontrent leur pertinence sociale, environnementale, économique et sur la création d’emplois. Il est temps qu’agriculteurs et citoyens formulent un véritable Pacte Agricole et alimentaire afin de promouvoir de tels modèles.
Nous exigeons qu’un espace de dialogue européen s’ouvre dès maintenant, afin que les voix des citoyens, des villes, des métropoles et des régions, soient prises en compte pour construire une vision alternative de l’agriculture, dans le cadre d’une révision de la PAC à mi-parcours. Cela passe par l’arrêt des aides aux industriels de la malbouffe.
A 100 jours de la Conférence de Paris sur le Climat, dans l’agriculture comme dans tant d’autres domaines, « dialogue et décentralisation », « transition écologique », «protection de la planète », doivent être les maîtres mots pour construire un avenir commun plus juste et plus durable.
Célia Blauel, est maire adjointe Paris chargée de l’environnement et présidente d’Eau de Paris ;
Emmanuelle Cosse est secrétaire nationale d’EELV et tête de liste des écologistes aux élections régionales en Ile de France ;
Yannick Jadot est député européen ;
Joël Labbé, sénateur du Morbihan ;
René Louail est conseiller régional de Bretagne et tête de liste des écologistes aux élections régionales en Bretagne ;
Corinne Rufet est vice présidente au Conseil régional d’Ile de France chargée de l’agriculture