14e législature
> publiée dans le JO Sénat du 05/06/2015
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture. Le prix de l’alimentation fait aujourd’hui l’objet d’un intense débat, qu’il s’agisse des difficultés des agriculteurs et éleveurs, de la nécessite d’offrir aux consommateurs une alimentation de qualité à des prix abordables pour tous ou encore des marges des distributeurs.
Je me concentrerai sur les coûts inhérents à la transition agricole que nous avons initiée fortement, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, avec la loi pour l’agro-écologie que vous avez portée, monsieur le ministre.
L’agriculture biologique – ou organic, comme l’appellent nos voisins anglo-saxons – est l’un des modèles constitutifs de l’agro-écologie. On entend encore souvent dire que l’agriculture biologie est trop chère, qu’elle offre de moins bons rendements que l’agriculture conventionnelle. S’il y a une part de vérité, c’est évidemment critiquable. Or plusieurs études montrent aujourd’hui que le différentiel en termes de rendement peut même être inférieur à 10 %. Une méta-étude publiée aujourd’hui par l’université de Washington va dans ce sens.
En revanche, on oublie la plupart du temps de tenir compte des externalités négatives associées à l’agriculture conventionnelles et de leur coût : pollution des eaux, ingestion de produits phytosanitaires par les consommateurs, maladies professionnelles des agriculteurs, perte de biodiversité, dégradation des sols…
En parallèle, il faut également tenir compte des aménités positives engendrées par l’agriculture biologique et de leur valeur : restauration de la qualité des sols – notamment en matières organiques–, filtration des eaux, amélioration de la qualité nutritionnelle, préservation de la biodiversité des écosystèmes, intensification de l’emploi – surtout en cette période –, revitalisation rurale chère à Alain Bertrand, maintien des paysages…
Nous avons besoin que l’État se penche sérieusement sur le calcul économique associé à ces externalités, positives ou négatives, et chiffre enfin,…
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Joël Labbé. … réellement, le coût et les bénéfices de la transition que nous attendons tous.
Monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement – pourquoi pas aujourd’hui ? – qu’il s’engage à faire mener cette étude économique exhaustive.
M. Charles Revet. Houla !
M. Joël Labbé. Quand nous aurons des décisions à prendre, nous pourrons ainsi le faire en nous appuyant sur des chiffres ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Réponse du Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
M. Stéphane Le Foll,ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du
Gouvernement. Vous avez, dans votre question longue…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Et complète !
M. Stéphane Le Foll,ministre. … et complète, ajoute le Premier ministre, présenté un certain nombre de remarques et d’analyses.
Vous avez évoqué en particulier les enjeux liés aux filières animales. Je l’ai dit devant une commission au Sénat ce matin, les filières animales – qu’il s’agisse de la viande bovine ou de la viande porcine -connaissent des difficultés de prix extrêmement importantes. Il faudra prendre des décisions pour réorganiser et soutenir ces filières, qui, je le répète, traversent une phase difficile.
Quant aux externalités, soyons honnêtes, l’agriculture a eu des conséquences environnementales, comme on a pu le constater à différentes occasions, qu’il s’agisse des algues vertes en Bretagne ou de la pollution de certaines nappes phréatiques. Les pesticides sont un sujet en eux-mêmes et il faudra bien, un jour ou l’autre, ouvrir le débat public.
Il faut tout faire pour que l’activité agricole garde sa dimension économique, productive, faute de quoi nous serons confrontés à des problèmes d’alimentation et d’accès à l’alimentation et, dans le même temps, développer des stratégies de performance environnementale. L’agriculture ne pourra être durable que si nous sommes capables de les intégrer.
Pour ce qui est du « bio », je peux d’ores et déjà vous annoncer que le Gouvernement va demander une étude sur les aménités positives de l’agriculture biologique, monsieur le sénateur.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Par ailleurs, le différentiel de rendement peut osciller, selon les productions, entre moins 10 %, – voire moins, comme pour le tournesol, par exemple, dont le rendement est équivalent – etmoins 40% ou 60 % sur les céréales, notamment le blé.
Nous devons être capables de porter un projet d’agro-écologie qui intègre bien évidemment l’agriculture biologique, mais qui aille également au-delà. Il s’agit de l’agriculture et de son avenir, donc tout le monde est concerné.
Nous disposerons bientôt d’un rapport sur l’agriculture biologique et ses évolutions. Toutefois, il revient également à cette forme d’agriculture de s’intégrer dans des stratégies collectives plus importantes, je pense en particulier à la question de l’utilisation de la photosynthèse. L’agriculture biologique peut très bien être dépassée par des modèles agro-écologiques utilisant davantage la photosynthèse.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut sortir de l’idée qu’il n’existe que deux solutions : le conventionnel ou le « bio ».
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous devons ouvrir une nouvelle voie, celle qui nous rassemblera tous, car la France a beaucoup d’atouts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)